TOPSHOT - Spain's Rafael Nadal reacts during the semi final tennis match against Italy's Fabio Fognini at the Monte-Carlo ATP Masters Series tournament on April 20, 2019 in Monaco. / AFP / YANN COATSALIOU / YANN COATSALIOU / AFP

Attention, clichés. « Tremblement de terre sur le Rocher », « Le roi Nadal perd sa couronne », « Nadal tombe du Rocher ». Parce qu’il domine insolemment la terre battue depuis bientôt quinze ans, chacune des (maigres) défaites de Rafael Nadal provoque une panne d’inspiration médiatique. Ce fut encore le cas, samedi 20 avril, après la non-victoire de l’Espagnol face à Fabio Fognini (6-4, 6-2) en demi-finale du tournoi de Monte-Carlo.

L’Italien est un récidiviste puisqu’avant cette confrontation, il était l’un des sept joueurs à avoir déjà « fait mordre la poussière à l’ogre de Manacor », deux fois même (en 2015, à Rio et à Rome). Mister Fognini est aussi et surtout un génie – sans aucune ironie – avec cette patte en coup droit devant laquelle tout le circuit se pâme, et une irréfragable science du jeu. A condition qu’il daigne vouloir gagner, capable dans le même match du meilleur comme du pire. « Docteur Fabio », poète des courts, manie mieux le langage fleuri que l’alexandrin et maîtrise plutôt bien la commedia dell’arte.

Reflet de ce dédoublement de personnalité, sa carrière est faite de hauts et de bas, voire de très bas : l’Italien, 18e mondial, est capable de s’offrir le scalp du gratin du circuit, comme il l’a encore prouvé cette semaine (avant Nadal, il avait sorti Alexander Zverev, 3e mondial, et Borna Coric, 13e) et de perdre minablement contre le 500e mondial au premier tour d’un Masters 1000. Cette inconstance – nonchalance, diront certains – explique pourquoi il s’est toujours maintenu dans le ventre mou du classement, entre la 13e à son meilleur (en 2014) et la 50e place mondiale.

« L’un de mes pires matchs sur terre », dixit Nadal

A Monaco, Fognini est arrivé en voisin (Sanremo, où il est né, n’est qu’à une quarantaine de kilomètres) et sans l’écriteau « attention danger ». Il avait jusque-là perdu tous ses matchs sur terre depuis le début de la saison : à Cordoba, Buenos Aires et Rio, à chaque fois face à un adversaire classé entre la 65e et la 104e place.

Les commentateurs ne donnaient pas cher de sa peau face au numéro deux mondial, triple tenant du titre à Monaco. Mais l’Italien a une fois de plus joué les épouvantails, face à un adversaire qui n’avait de Nadal que le nom. Loin, très loin des standards de celui qui détient le record du nombre de trophées dans la Principauté (11).

Samedi, l’Espagnol a montré les mêmes signes de faiblesses que la veille face à l’Argentin Guido Pella, où il était parvenu in extremis à prendre le dessus (7-6, 6-3). Cette fois, le niveau de jeu et le talent de Fognini rendaient tout hold-up impossible. Certains n’ont pas tardé à mettre en avant les conditions de jeu, le court Rainier-III étant balayé par les bourrasques en cette fin de semaine. Mais le vent n’a jamais enquiquiné un joueur plutôt qu’un autre, et l’Espagnol est d’ordinaire l’un de ceux qui maîtrisent le mieux l’élément, omniprésent à Majorque, où il s’entraîne.

Italy's Fabio Fognini returns a ball to Spain's Rafael Nadal during the semi final tennis match of the Monte-Carlo ATP Masters Series tournament in Monaco on April 20, 2019. / AFP / YANN COATSALIOU / YANN COATSALIOU / AFP

Non, samedi, son jeu présentait des signes inquiétants : zéro inspiration, zéro fulgurance et des fautes directes à la pelle. Surtout en coup droit, ce lift qui gicle d’ordinaire et finit par asphyxier l’adversaire. L’Espagnol, qui n’avait plus disputé de matchs depuis son forfait le 16 mars à la veille des demi-finales d’Indian Wells pour cause de blessure au genou droit, était visiblement en manque de repères. Il jouait court, sans jamais dicter le jeu.

Il a d’ailleurs accepté le bonnet d’âne au moment de noter sa prestation. « C’était une mauvaise journée face à un adversaire difficile, a-t-il résumé. Je reviens de moments pas simples en termes de blessures, et mentalement ce n’est pas facile d’accepter tout ce qui m’est arrivé. J’ai probablement joué l’un de mes pires matchs sur terre battue des quatorze dernières années. Je méritais de perdre. »

Sommé d’avancer quelques éléments d’explications, il a séché sur la question. « C’est difficile de fournir plus d’explications. On pourrait parler technique ou tactique, mais c’est surtout ce genre de jours où les sensations ne sont pas là. »

Deux invités surprises en finale

Dimanche, en finale, Fabio Fognini sera opposé à un Serbe. Mais pas celui qu’on attendait. Le numéro un mondial, Novak Djokovic a été éliminé vendredi en trois sets par le grand Russe (1,98 m) qui monte sur le circuit, Daniil Medvedev. Samedi, l’un de ses compatriotes l’a « vengé ». D’abord mené 5-1 dans le premier set, Dusan Lajovic a « appuyé sur le bouton ON », comme il l’a lui-même expliqué, pour inverser la tendance (7-5 6-1).

« Quand Fabio a décidé de bien jouer, c’est très difficile de jouer contre lui. Espérons que c’est l’autre Fabio qui se réveillera demain », a déclaré le joueur de 28 ans. A l’image de Fognini, le Serbe, 48e joueur mondial, a lui aussi montré ces derniers jours qu’il valait mieux que son rang, avec des victoires sur David Goffin puis sur l’un des candidats au titre, Dominic Thiem, finaliste malheureux face à Nadal lors du dernier Roland-Garros.

Résultat d’une semaine où les surprises se sont enchaînées, les deux joueurs seront novices à ce stade en Masters 1000, la catégorie juste en dessous des Grands Chelems. « Je n’ai rien à perdre, il n’a rien à perdre », résume Fognini à propos de cette finale très ouverte.

A l’image du printemps sur ocre ? Un numéro un mondial erratique depuis son titre à l’Open d’Australie, un numéro deux mondial qui s’égare sur « sa » surface, des cadres du circuit qui ne tiennent pas leur rang, et un Roger Federer de retour sur la surface après l’avoir boudée près de quatre ans : rien ne va plus sur la planète terre.