Le Toulousain Pita Ahki ballon en main, dimanche 21 avril, à Dublin. / PAUL FAITH / AFP

Le Stade toulousain a perdu un échauffement. Avec beaucoup de philosophie, il pourrait prendre comme tel ce match joué devant près de 42 000 spectateurs, dimanche 21 avril. Une demi-finale de Coupe d’Europe, en réalité, perdue 30-12 à Dublin : défaite logique sur le terrain du Leinster, tenant du titre et maître du jeu.

Selon une dialectique bien connue des vestiaires sportifs, la défaite du jour pourrait en effet annoncer des lendemains qui gagnent. « Nous avons maintenant un autre objectif », rappelle d’emblée Jerome Kaino, le capitaine toulousain, en conférence de presse. Ainsi donc, cap sur le championnat de France, ce Top 14 dont le Stade toulousain occupe encore la première place à ce jour.

Ugo Mola préfère voir aussi les choses du bon côté. « Ce groupe a encore besoin de grandir, besoin de vivre ce genre de moment », insiste l’entraîneur, sûr de pouvoir discerner dans ce match « plein de choses intéressantes si on se regarde froidement. » En littérature, on parle de roman d’apprentissage. En sport, de défaites qui font grandir.

En Irlande, le jeune groupe toulousain vient de se confronter au réel, au pragmatisme d’une équipe du Leinster qui annihile tout ou presque sur son passage en Coupe d’Europe.. « On est tous déçus, parce que, quand on joue une demi-finale, on se sent tellement proche [de la finale]. Mais on se rend compte qu’on était encore loin », reconnaît Mola.

« Sur le long terme »

Les Toulousains ont affronté trois fois le Leinster cette saison. Pour un succès et deux défaites. « On a essayé de mettre notre jeu en place, on a été contrés, constate Maxime Médard, entré avant l’heure de jeu. On a manqué d’un peu de réalisme dans les 22 mètres adverses. En face, il y avait déjà beaucoup d’expérience. »

L’arrière aux rouflaquettes dit vrai. Lui seul, dans l’effectif, a connu la précédente demi-finale de Toulouse en Coupe d’Europe : une défaite sur le terrain du Leinster, déjà en 2011. Lui seul a connu les derniers sacres en date : 2010 pour le quatrième et dernier titre en Coupe d’Europe, record que pourra dépasser le Leinster dans un mois ; 2012 pour le dix-neuvième et dernier titre en championnat de France, record que Toulouse pourra conforter dans moins de deux moins.

Clément Castets, 22 ans, a tout le temps. « Apporter une belle conclusion à cette saison, ce serait pas mal », reconnaît le pilier, « mais, si ce n’est pas cette année, je suis convaincu que ça paiera dans les années à venir. Il faut voir sur le long terme, sur les cinq prochaines saisons, pas sur une seule saison. »

Ugo Mola entraîne Toulouse depuis quatre ans maintenant. Le temps de reconstruire un groupe et de lui proposer un projet de jeu commun : jouer, jouer, encore jouer, privilégier les courses dans l’espace plutôt que les collisions, chercher la passe plutôt que le plaquage. La méthode a déjà fait ses preuves en Top 14 : quatorze matchs d’invincibilité cette saison jusqu’à une défaite contre Toulon, il y a deux semaines.

Cinq petites minutes

Moins facile à pratiquer en Coupe d’Europe. En difficulté, l’arrière Thomas Ramos l’aura vite compris. Son coéquipier Antoine Dupont aussi : « Le Leinster avait très bien préparé son match et savait parfaitement comment jouer face à nous, ses joueurs ont bloqué nos passes après contact, ils ont une défense très mobile, qui circulait très vite autour des rucks. » Cet après-midi, le jeune international français jouait ouvreur, cédant pour aujourd’hui son poste de demi de mêlée à Sébastien Bézy.

« Je suis super fier de mes coéquipiers », préfère retenir Cheslin Kolbe, 25 ans, à peine plus âgé. « En Coupe d’Europe, le rythme est beaucoup plus rapide qu’en championnat », explique l’ailier sud-africain, qui s’y connaît pourtant en la matière. Lui et ses coéquipiers quittent l’Irlande sans avoir inscrit le moindre essai ce dimanche : une première pour un match du Stade toulousain cette saison, toutes compétitions confondues.

Dans ce match déjà mal emmanché à la mi-temps (17-6), Toulouse aura mené seulement une fois : entre la 5e et la 10e minute de jeu, après une pénalité de Thomas Ramos tentée dans le plus grand silence, le public local ayant eu la bienséance de laisser le buteur se concentrer. Avant de reprendre de plus belle ses exclamations.