Le 1er novembre 2018, des employés de Google protestent à San Francisco contre le harcèlement sexuel et les discriminations envers les femmes dans l’entreprise. / Eric Risberg / AP

« Google mène des représailles contre plusieurs organisateurs », ont dénoncé, dans un email interne envoyé lundi 22 avril deux des figures d’un mouvement de protestation interne contre le harcèlement sexuel et pour l’égalité chez le géant du numérique, révèle le site Wired.

Les auteurs, Meredith Whittaker et Claire Stapleton, font partie des sept salariés qui ont lancé le « Google Walk Out for real change », cette manifestation au cours de laquelle près de 20 000 employés sont descendus en novembre 2018 dans la rue, devant les bureaux de Google à Moutain View, en Californie, mais aussi à New York, Singapour, Londres, Dublin, Zurich, Toronto ou Chicago.

« On m’a dit que je serais rétrogradée »

Meredith Whittaker écrit que Google lui a annoncé que son rôle allait « changer énormément », peu après que l’entreprise a dissous, le 4 avril, son tout nouveau conseil d’éthique sur l’intelligence artificielle. Cette décision avait été prise sous la pression d’un autre mouvement de critique interne : près de 2 000 employés avaient protesté, notamment contre la présence dans ce comité d’une représentante conservatrice considérée comme « anti-trans, anti-LGBTQ et anti-immigrants ». Meredith Whittaker, qui a fondé l’AI Now Institute, une structure dédiée l’éthique dans l’intelligence artificielle, faisait partie des protestataires, qualifiant sur Twitter la nomination « d’épouvantable ».

« On me dit que pour rester dans l’entreprise, je vais devoir abandonner mon travail sur l’éthique de l’intelligence artificielle et l’AI Now Institute (qui est hébergé par l’Université de New York) », écrit-elle dans l’email envoyé à des employés de Google. « J’ai pris des risques pour pousser en faveur d’un Google plus éthique, bien que cela soit moins rentable et confortable », ajoute Mme Whittaker. 

« Après cinq ans comme employée très performante au marketing de Youtube (et près de douze chez Google), deux mois après le Google Walk Out, on m’a dit que je serais rétrogradée (…) et qu’un projet qui avait été approuvé n’était plus d’actualité », raconte de son côté Claire Stapleton. Celle-ci dit qu’après qu’elle a alerté les ressources humaines, son supérieur « a commencé à l’ignorer », à donner son travail à d’autres et lui a conseillé de se mettre en arrêt maladie. « Ce n’est qu’après que j’ai engagé un avocat que la direction a mené une enquête et annulé ma rétrogradation, sur le papier. J’ai retrouvé mon travail mais l’environnement reste hostile. Je réfléchis à démissionner presque chaque jour. »

Vague de mobilisations dans les entreprises de « tech »

L’email des deux employées crée une forte réaction car les grandes entreprises de technologies de la Silicon Valley connaissent depuis plus d’un an une vague de mobilisations internes : des employés ont protesté chez Google contre le contrat Maven car il aiderait l’armée américaine à analyser des images de drones grâce à l’intelligence artificielle. Une pétition a aussi dénoncé le projet de Google de créer un moteur de recherche adapté à la Chine, prenant en compte des exigences de censure du régime. Chez Microsoft, des employés ont récemment protesté contre une collaboration avec l’armée ou contre le traitement réservé aux femmes.

Les représailles dénoncées lundi peuvent d’autant plus surprendre les employés que dans plusieurs cas, notamment le comité d’éthique de Google, le projet Maven ou le Google Walk Out, la direction leur a donné raison sur certains points en cédant à certaines de leurs revendications.

Une réunion de protestation annoncée pour vendredi

Mme Whittaker et Mme Stapleton, très actives dans la mobilisation chez Google, ne comptent pas en rester là et leur email interne a aussi pour but d’appeler à la résistance : elles annoncent pour vendredi une grande réunion ouverte en interne et retransmise en vidéo en direct. Le but : « partager » les témoignages de représailles qui auraient été menées.

« Si nous voulons mettre fin à la discrimination, au harcèlement et aux décisions non-éthiques, nous devons mettre fin aux représailles contre les gens qui s’expriment honnêtement sur ces problèmes », justifie Mme Stapleton.

« Les représailles contre les travailleurs qui ont mené des activités concertées protégées sont illégal mais cela arrête rarement les dirigeants, a réagi sur Twitter le syndicat Tech Workers Coalition, qui mobilise les employés des entreprises numériques. Les manifestations fortes de solidarité, à l’intérieur et à l’extérieur de Google, peuvent aider. Il faut signifier clairement que les chefs ne s’en tireront pas comme cela avec ces abus. »