Lagos, capitale économique du Nigeria. / Nyancho NwaNri/REUTERS

Andrew S. Nevin est depuis dix ans économiste en chef à la PwC Nigeria, à Lagos. Il est aussi l’auteur principal d’un rapport sur les possibles conséquences du Brexit sur le Nigeria, publié en 2016.

Selon lui, c’est aujourd’hui une opportunité en or pour la première économie d’Afrique, même si la décision de sortir de l’Union européenne (UE) est arrivée au « mauvais moment », la croissance de l’économie nigériane s’étant contractée de 1,5 % en 2016, ce qui avait créé une incertitude sur les marchés mondiaux. Or, depuis le référendum, le Royaume-Uni a renforcé ses investissements et sa présence dans le pays d’Afrique de l’Ouest.

Le référendum sur le Brexit en 2016 a-t-il changé les rapports entre Londres et Abuja ?

Andrew S. Nevin Le changement a été immédiat au Nigeria. En sortant de l’Union européenne, le Royaume-Uni voulait pouvoir négocier ses propres accords et trouver de nouveaux partenaires commerciaux. De tous les pays africains, le Nigeria est de loin le plus peuplé et comme les deux Etats entretiennent de bonnes relations historiques, Londres a commencé presque immédiatement après le vote à y intensifier ses activités pour préparer sa sortie de l’Union. Le Royaume-Uni, qui figure déjà parmi les cinq premiers partenaires commerciaux du Nigeria, a annoncé l’ajout du naira à sa liste de « devises pré-approuvées » en 2017, facilitant ainsi les échanges commerciaux qui sont déjà de l’ordre de 3,38 milliards d’euros par an.

En parallèle, la CDC, l’institution de financement du développement britannique, implantée au Nigeria depuis soixante-dix ans (qui a déjà investi près de 355 millions d’euros), a doublé son engagement en capital dans le pays. Le groupe qui dit soutenir 41 000 emplois et gérer des investissements dans 82 entreprises nigérianes a cette fois promis d’investir près d’un milliard d’euros au cours des quatre prochaines années. La CDC s’apprête d’ailleurs à ouvrir un bureau à Lagos et Theresa May a effectué une visite en 2018.

Peut-on dire pour autant que le Nigeria sera le grand vainqueur africain du Brexit ?

Le Brexit est mauvais pour le Royaume-Uni, mais bon pour le Nigeria. La stratégie des « brexiters », c’est de sortir de l’UE et de se trouver d’autres partenaires économiques. Le Nigeria bénéficie d’ores et déjà de ce retournement et les investissements à venir de la CDC pourraient stimuler un peu l’économie du pays, qui selon la Banque mondiale a connu une croissance d’environ 1,9 % en 2018, contre 0,8 % en 2017.

A moyen terme, le Nigeria se présente comme le lieu pour faire des affaires sur le continent. Il regorge de ressources naturelles, est le premier producteur de pétrole, présente un marché intérieur déjà large et qui, d’ici à 2050, aura la troisième population mondiale.

Est-ce que le reste de l’UE va abandonner ce pays au Royaume-Uni ?

Au contraire, les liens entre le Nigeria et le reste de l’Europe sont appelés à se renforcer. Le volume des échanges commerciaux entre le Nigeria et l’UE a atteint 25,3 milliards d’euros en 2017, en hausse de 27 % par rapport à l’année précédente, selon le chef de la délégation européenne au Nigeria, Ketil Karlsen.

Avant le Brexit, il y avait trois chambres de commerce : une néerlandaise, une française et une allemande. Mais, depuis le référendum de 2016, ces trois pays coordonnent l’ensemble des activités européennes. Le reste de l’UE est en train de prendre conscience qu’il y a de bonnes affaires à faire ici.