Pas moins de vingt-cinq listes ont été déposées, mardi 23 avril, au Haut-Commissariat de la République pour les élections provinciales du 12 mai en Nouvelle-Calédonie. La famille non indépendantiste n’a pu résister à se présenter en ordre dispersé. Sa victoire en demi-teinte au référendum du 4 novembre 2018 aurait pu l’inciter à serrer les rangs pour cet ultime mandat de l’accord de Nouméa mais même cet enjeu cardinal n’a pu venir à bout des inimitiés en son sein. « On dirait un nouvel épisode de la droite la plus bête du monde », a récemment cinglé sur les ondes Bernard Deladrière (LR), membre du gouvernement, qui raccroche les gants.

Dans le camp indépendantiste, l’« unité totale » prônée par Daniel Goa, porte-parole du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), n’a pas non plus fonctionné à plein, notamment dans la province des îles Loyauté. Aucune alliance n’a par ailleurs pu se faire avec le Parti travailliste, formation indépendantiste radicale, auquel il n’a pas été pardonné d’avoir prêché la « non-participation » au référendum de novembre.

Espoir du Rassemblement national

Avec plus de 108 000 électeurs, le Sud (40 élus à la province, 32 au Congrès), traditionnellement aux mains des loyalistes, aligne onze listes toutes tendances confondues. La plupart auront du mal à passer la barre des 5 % des électeurs inscrits – soit plus de 5 400 voix – nécessaires pour participer à la distribution des sièges. Absent des institutions, le Rassemblement national nourrit cet espoir et a dépêché Louis Aliot à Nouméa pour prêter main forte à la liste conduite par Alain Descombels.

Dans cette province, le match se jouera entre la majorité sortante de Calédonie ensemble (CE, droite modérée) et la galaxie proche du parti Les Républicains, réunie sous le label L’Avenir en confiance. Sonia Backès, la tête de liste, espère « l’emporter largement ». Prônant la « fermeté » avec les indépendantistes et la relance de l’économie, la dirigeante de 42 ans mise sur l’érosion de l’électorat de CE. Cette dernière, qui entend « conjuguer souveraineté et République », est en délicate posture. Sa politique économique tarde à produire des résultats et les foudres judiciaires se sont abattues sur elle en pleine campagne.

Le député Philippe Gomès, qui conduit la liste, a été mis en examen le 4 avril pour « prise illégale d’intérêts » dans un dossier portant sur la construction d’une centrale électrique au gaz tandis que, fin mars, plusieurs cadres du parti ont été entendus dans le cadre d’une enquête sur de supposés emplois fictifs. Les dirigeants de CE ont beau vilipender « des affaires de cornecul et des petites bidouilles politicojudiciaires », ces mises en cause pourraient peser dans les urnes.

Confortés par le bon score qu’ils y ont obtenu lors du référendum (23 821 voix), les indépendantistes estiment que leur victoire à l’échelle territoriale se joue dans le Sud. Ils y disposent actuellement de 7 élus sur 40 et en visent 10. Conscient de l’enjeu, le FLNKS est parvenu à composer une liste d’union mais le choix de son meneur, Roch Wamytan, vétéran de la scène politique, n’a pas remporté une adhésion unanime.

Indépendantistes dispersés en six listes

En province Nord (22 élus à la province, 15 au Congrès), majoritairement kanak, un autre hiérarque repart à la bataille. A 67 ans, Paul Néaoutyine, chef de file du Parti de libération kanak (Palika, membre du FLNKS), à la tête depuis 1999 de cette collectivité qui s’est fortement développée grâce à l’industrie du nickel, aura comme principal concurrent Daniel Goa, président de l’Union calédonienne (UC, principale composante du FLNKS). Un duel « pour ratisser plus large », assure la coalition indépendantiste, qui a promis une campagne à fleurets mouchetés.

Peu représentée au Nord avec seulement 3 élus, la droite a tenté de faire liste commune mais les négociations ont vite tourné au fiasco entre Calédonie ensemble et L’Avenir en confiance. Chacun y va de son côté. Même scénario dans les îles Loyauté (à 98 % kanak), où les non-indépendantistes ont sans doute enterré leurs chances de réintégrer cette assemblée de 14 élus, dont 7 représentants au Congrès, de laquelle ils ont disparu depuis 2009. Favoris, les indépendantistes des Loyauté, où le vote clanique reste prégnant, se sont dispersés en six listes. Outre les deux locomotives du FLNKS – UC et Palika – quatre boutiques se sont lancées.