Un feu de forêt près de Sarna, dans le centre de la Suède en juillet 2018. / MAJA SUSLIN / AFP

A peine un incendie est-il éteint qu’un autre reprend ailleurs. Chaque jour, depuis le week-end de Pâques, une quinzaine de départs de feu sont signalés en Suède. Mardi 23 avril, le trafic ferroviaire a même dû être interrompu entre Stockholm et Malmö pendant plusieurs heures, en raison des flammes sur la côte ouest, où un hameau a dû être évacué. Jeudi matin, 800 hectares brûlaient près de Motala, dans le centre du pays.

Impossible pour les Suédois de ne pas faire le parallèle avec l’été 2018, au cours duquel 25 000 hectares étaient partis en fumée. Leurs voisins norvégiens ont, eux aussi, dû gérer plusieurs incendies ces derniers jours au sud d’Oslo, où des vents violents ont fait tomber des poteaux électriques, provoquant des départs de feu. La situation est d’autant plus alarmante que si les premières alertes incendies, émises par l’Institut suédois de météorologie (SMHI), l’avaient été l’an dernier à partir du 10 mai, le premier signal est intervenu cette année le 18 avril. « Nous faisons face à des niveaux très élevés de risque, que nous voyons habituellement en août », a précisé mercredi Jakob Wernerman, responsable des opérations auprès de l’Agence suédoise de la protection civile (MSB).

Les températures annuelles de la Suède augmentent deux fois plus vite que la moyenne planétaire.

En cause : la combinaison d’une période de sécheresse et de chaleur inhabituelles pour la saison. « Un anticyclone s’est installé au-dessus du pays et tient la pluie à distance, en même temps que les températures sont largement supérieures aux moyennes saisonnières, avec des records observés dans plusieurs endroits du pays », résume Therese Gadd, météorologue auprès du SMHI. « Normalement, il n’y a que l’herbe qui brûle à cette époque, complète le chercheur ­Anders Granström, spécialiste des feux de forêts. Mais comme il n’a pas plu depuis près d’un mois, les forêts sont sèches et l’herbe n’a pas eu le temps de verdir. »

Pour le climatologue Erik Kjellström, il est difficile d’évaluer l’impact du changement climatique :

« Les incendies sont une conséquence de la météo. Toutefois, l’année dernière a battu des records et la probabilité que cela se reproduise est élevée. Nous savons qu’il va faire plus chaud, qu’il y aura sans doute des précipitations plus violentes, mais aussi davantage d’évaporation en raison de la chaleur, ce qui risque d’intensifier les périodes de sécheresse. »

Fin mars, l’Institut de météo­rologie a publié les résultats d’une étude montrant que les températures annuelles de la Suède augmentent deux fois plus vite que la moyenne planétaire. Sur les trente dernières années, le mercure a progressé de 0,73 degré dans le monde par rapport à la période entre 1861 et 1890. En Suède, il a connu une hausse de 1,7 degré, « ce qui n’est pas étonnant puisque le réchauffement le plus remarquable est observé dans l’Arctique », rappelle Erik Kjellström.

Les réserves d’eau souterraine sont au plus bas en Suède. Depuis le 1er avril, l’île de Gotland, à l’est du royaume, a interdit l’arrosage. D’autres régions devraient bientôt l’imiter. L’année dernière, cette ­interdiction avait duré plusieurs semaines, couplée à la défense de faire du feu, désormais en vigueur dans la moitié sud du pays.

En majorité d’origine humaine

Mardi, le ministre de l’Intérieur, Mikael Damberg, a assuré que la Suède était « mieux préparée » que l’an passé. L’Agence de la protection civile a annoncé avoir signé des contrats avec des sociétés privées, garantissant la mobilisation d’une trentaine d’hélicop­tères convertibles en bombardiers d’eau dans les 90 minutes. En 2018, la Suède avait dû faire ­appel à ses voisins. Sept avions, six hélicoptères et 360 pompiers y avaient été déployés par le Centre de coordination de la réaction d’urgence. Le MSB n’exclut pas d’y avoir de nouveau recours. Le syndicat des pompiers a prévenu qu’il manquerait 2 800 soldats du feu pendant la période estivale.

Selon les autorités suédoises, la grosse majorité des feux sont d’origine humaine. La responsabilité des engins forestiers est évoquée. Sur les réseaux sociaux, une polémique a rapidement émergé, relayée par des personnalités d’extrême droite, évoquant des actes causés par des immigrés. Une théorie qui n’a pas le moindre fondement.

L’exploitation des forêts est aussi pointée du doigt. Trop intensive, pas assez diversifiée. Les experts suggèrent de planter plus de feuillus. En attendant, la fête de Valborg, qui célèbre le printemps le 30 avril, avec de grands feux de joie, pourrait être compromise.