Il aura fallu attendre près de quarante minutes de discours avant qu’Emmanuel Macron n’aborde la question de la transition écologique, sous sa version climatique, pourtant qualifiée comme « la plus urgente et la plus impérieuse ». Après un rapide signal aux jeunes qui se sont fortement mobilisés – « l’état d’urgence climatique est là, notre jeunesse nous le dit à chaque instant » le chef de l’Etat n’a annoncé aucune mesure concrète, en réponse aux problèmes soulevés notamment par le mouvement des « gilets jaunes ».

L’augmentation de la taxe carbone qui avait mis le feu aux poudres en novembre 2018 n’a même pas été évoquée. « Il était politiquement impossible qu’il revienne sur cet épisode, mais il n’a pas non plus annoncé l’annulation du dispositif, comme Ségolène Royal [ministre de l’environnement sous François Hollande] quand elle avait purement et simplement supprimé l’écotaxe [en octobre 2014] », estime Pascal Canfin, ancien directeur du WWF et ancien eurodéputé écologiste avant de devenir deuxième sur la liste de La République en marche pour les élections européennes.

Comme les présidents de la République qui l’ont précédé, depuis « la maison brûle » évoquée par Jacques Chirac en 2002 au Sommet de la Terre à Johannesburg, en Afrique du Sud, Emmanuel Macron a dit l’importance de la question climatique mais n’a pas détaillé ses différents aspects, biodiversité – alors que dans quelques jours la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques va communiquer sur sa dégradation catastrophique –, énergie, alimentation, agriculture…

« Pas suffisant »

La transition écologique était pourtant l’un des thèmes forts abordés lors du grand débat national. « Il y a de la part du président de la République une incompréhension du mouvement pour le climat, avec les grèves scolaires, les marches, et une négation de la dimension systémique des enjeux écologiques. Il n’a évoqué que le climat. Il reste sur les schémas caducs de la croissance économique, alors qu’on doit passer d’un modèle où le pouvoir vivre remplace le pouvoir d’achat », critique Delphine Batho, ex-ministre de l’environnement sous François Hollande, députée (non inscrite) des Deux-Sèvres et présidente de Génération écologie.

S’il n’a détaillé aucune mesure, Emmanuel Macron a néanmoins annoncé la création d’un « Conseil de défense écologique qui réunira le premier ministre, les principaux ministres chargés de cette transition (…) que je présiderai de manière régulière pour à la fois prendre les choix stratégiques et mettre au cœur de toutes nos politiques cette urgence climatique (…) ».

Il existe déjà de nombreuses instances, telles le Conseil national de la transition écologique (créé en 2013) ou le Haut Conseil pour le climat (créé en novembre 2018), mais selon le ministère de la transition écologique et solidaire, à la différence de ces instances consultatives, le nouveau conseil, une idée portée jadis par Nicolas Hulot, sera plus opérationnel. « Pour faire bouger les choses, il faut impliquer en permanence Bercy, l’agriculture, l’industrie, les transports. Ce conseil, comme celui sur la défense et la sécurité nationale présidé par le chef de l’Etat, pourrait se réunir tous les quinze jours. On sort des logiques de guerre interministérielle, avec un mandat partagé par tous les ministres », avance Pascal Canfin.

« Très déçu »

A cette mesure s’ajoute la création d’une « convention citoyenne, 150 citoyens tirés au sort dès le mois de juin » qui doit « redessiner toutes les mesures concrètes d’aides aux citoyens sur la transition climatique dans le domaine des transports, de la rénovation des logements, pour les rendre plus efficaces », et définir éventuellement d’autres mesures « incitatives ou contraignantes » et aussi « des ressources supplémentaires ». Ces choix « valent mieux qu’une absence de mesures », juge Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire (ex-LRM). Mais, ce compagnon de route de Nicolas Hulot se dit aussi « très déçu » par l’absence d’annonces concrètes. « Ce n’est pas suffisant compte tenu de l’urgence climatique et des attentes des citoyens sur ce thème ».

Déçu aussi le WWF France qui considère que « le président n’a pas saisi l’opportunité qui se présentait à lui pour répondre à cette urgence. Au contraire, il a renvoyé les réponses à la création de nouvelles instances ».

Alors, pourquoi confier à 150 citoyens la discussion sur la taxe carbone, la mobilité propre ou la rénovation des logements, quand plus de 1,5 million de personnes, selon les chiffres du gouvernement, ont participé au grand débat et ont avancé des propositions sur ces thèmes ? « Sur ces sujets, il fallait partir de la vraie vie, de la réalité concrète des citoyens », justifie Pascal Canfin. Quand Delphine Batho estime que « le renvoi à ces 150 citoyens, après le grand débat, est dérisoire au vu des enjeux ».

Le résumé vidéo des annonces d’Emmanuel Macron
Durée : 03:43