Pour décrire ses travaux, Bertrand Lavier emploie le mot « chantier », de préférence à « sujet ». Voici l’état actuel du chantier couleur, commencé dans les années 1980 et toujours en cours : un inventaire critique des usages et effets des couleurs dans les arts et ailleurs, sous forme d’objets et de surfaces variées recouverts de touches épaisses et soyeuses. Il y a les couleurs obligatoires : le rouge de l’extincteur. Les charmeuses florales : roses et pourpres. Celles qui, appliquées sur une grande surface, déréalisent l’objet : un piano à queue bleu azur. Ou, plus étrange encore, un panneau touristique pour autoroute annonçant Vézelay, avec son graphisme propre, mais qui aurait été repeint par Matisse au plus fort de son fauvisme.

Passé la surprise initiale et le « comment a-t-il fait ? » presque inévitable, il apparaît que Lavier, chaque fois, rend mieux visibles les procédés de séduction et de communication que chacun de nous subit d’ordinaire passivement. Il se laisse attirer et tromper. Il en vient à confondre une surface peinte avec sa photographie, un tissu d’ameublement actuel et une abstraction gestuelle style années 1950. C’est le règne du trompe-l’œil et du trompe-l’esprit. Chaque Lavier est donc un appel à mieux regarder, formulé sur le ton de l’ironie et de la provocation joueuse. Dans la dernière salle, trois mots sont écrits en néon : bleu, jaune et vert. Jamais le mot et la couleur du tube ne coïncident, évidemment.

Bertrand Lavier. Galerie Kamel Mennour, 47, rue Saint‑André‑des‑Arts, Paris 6e. Tél. : 01-56-24-03-63. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 25 mai.