LA LISTE DE LA MATINALE

Baissez les lumières, sortez le pop-corn, ce week-end sera cinématographique. Que vous aimiez les grosses machines hollywoodiennes ou le cinéma d’auteur, voici quatre replays pour étoffer votre connaissance du 7e art.

« Hollywood, le paradis perdu » : anatomie d’une franchise

Le titre pourrait laisser penser qu’il s’agit là d’un enième documentaire sur l’âge d’or présumé de Hollywood, des studios et des vedettes mythiques du grand écran, etc. C’est un peu de cela en effet qu’il est question dans Hollywood, le paradis perdu, documentaire de Nico Prat et Guillaume Tunzini, mais vu et traité à travers le prisme particulier de la franchise des films « Ocean’s » et à l’occasion de la diffusion, sur Canal +, du dernier d’entre eux, Ocean’s 8 (2018), de Gary Ross, à la distribution cette fois exclusivement féminine.

Des entretiens d’archives avec Steven Soderbergh – qui a repris la série de films introduite par Ocean’s Eleven (L’inconnu de Las Vegas, 1960), de Lewis Milestone, avec la trilogie constituée d’un remake d’Ocean’s Eleven (2001) et de deux suites, Ocean’s Twelve (2004) et Ocean Thirteen (2007) – et des conversations filmées pour l’occasion avec des scénaristes, décorateurs et des journalistes (dont notre collègue Samuel Blumenfeld) permettent de comprendre comment cette saga a continué d’inventer et de divertir sur la base d’un même postulat de départ : un « casse improbable (...), le phénomène de bande (...) et surtout un groupe de stars dont on n’ose pas rêver », selon la journaliste Lily Bloom.

On regrettera toutefois que cet intéressant documentaire succombe au sacro-saint et insupportable « sommaire » introductif avec des bouts de propos des différents intervenants et que la musique, quasiment permanente et souvent indiscrète, couvre parfois leur voix. Renaud Machart

« Hollywood, le paradis perdu », documentaire de Nico Prat et Guillaume Tunzini (France, 2018, 52 min.) Sur Canal + à la demande et MyCanal jusqu’au 21 mai.

« Stallone, profession héros » : l’acteur d’un seul rôle ?

Sylvester Stallone dans le film américain de John G. Avildsen, "Rocky" (1976). / MGM

« Je n’ai pas créé Rocky, c’est Rocky qui m’a créé. » Sans grand talent ni beauté, enfant des quartiers malfamés de New York, Sylvester Stallone est devenu malgré lui l’incarnation du rêve américain – Rocky –, puis de son cauchemar – Rambo. Le tout sur fond de success story à l’hollywoodienne, avec muscles saillants, mariages ratés, choix de carrière douteux et come-back fracassants.

Stallone, profession héros retrace la carrière de cet enfant au faciès de guingois – conséquence d’une naissance au forceps –, et à l’élocution particulière, qui l’ont pendant longtemps fait passer pour attardé. « On m’a toujours dit que j’étais stupide, confie-t-il dans une interview à l’orée de sa carrière, parce que je n’avais pas l’air intelligent, alors j’ai tout misé sur mon physique. »

Ce documentaire titille le cinéphile qui est en nous, et donne envie de replonger dans la filmographie, particulière mais finalement assez riche, de ce « scénariste doué mais acteur complexé », dont la carrière a peut-être plus que toute autre épousé les années 1980 et leurs questionnements.

Les fans et les curieux pourront à cette occasion voir en replay sur Arte.tv un numéro de « Blow up » consacré à l’acteur. A la question « C’est quoi, Sylvester Stallone ? », l’émission qui décortique le cinéma rappelle, en dix « madeleines », qui sont autant de films, les efforts déployés par l’acteur pour se débarrasser de son image. Sans vraiment y parvenir, mais n’est-ce pas finalement ce qui fait l’intérêt de sa carrière ? Audrey Fournier

« Stallone, profession héros », réalisé par Clélia Cohen et Antoine Coursat (France, 2018, 53 min), disponible sur Arte.tv jusqu’au 2 mai. « Blow up. C’est quoi, Sylvester Stallone ? », écrit et réalisé par Luc Lagier (France, 2018, 17 min), disponible sur Arte.tv.

« Le Livre d’image » : l’étrange alliage de Godard

Jean-Luc Godard Godard, à Zurich, en 2010. / FABRICE COFFRINI / AFP

Au début, il y a le noir, d’où sons et images jaillissent comme les éclats du ­silex, avant de retomber aussi sec dans l’obscurité. Tout, dans Le ­Livre d’image – le dernier film de Jean-Luc Godard, présenté à ­Cannes en compétition en 2018, qu’Arte met à disposition des téléspectateurs en replay, ramène à ce noir, support intangible et marge sans bordure d’un film qui crépite par salves successives.

Le Livre d’image s’inscrit dans la veine « mélangeuse » de l’œuvre godardienne, celle des montages d’emprunts, fabriqués à partir d’extraits d’autres films, d’archives, de reportages télé, de ­fragments textuels ou musicaux. Le tout constituant un maelström dont la beauté réside non seulement dans l’assemblage, mais aussi dans la manière avec ­laquelle il réussit à transfigurer les matériaux de départ.

Le Livre d’image frappe par son étrange alliage. Bégaiements de l’image et du son, attaques sèches et intempestives, images sales, ­baveuses, démantibulées, fouillées jusque dans la chair du photogramme : chaque archive, chaque fragment, est ici investi, non seulement pour ce dont il ­témoigne, mais aussi comme une matière plastique, infiniment malléable. Mathieu Macheret

« Le Livre d’image », essai cinématographique de Jean-Luc Godard (France, 2018, 85 min), disponible sur Arte.tv jusqu’au 22 juin.

« One Day Since Yesterday » : le film maudit de Bogdanovich

Cybill Shepherd et Peter Bogdanovich dans un extrait du documentaire de Bill Teck « One day since yesterday ». / OCS

Si l’on en croit son titre complet, One Day Since Yesterday : Peter Bogdanovich & the Lost American Film, le documentaire de Bill Teck s’intéresserait à un film « perdu » du réalisateur nord-américain. S’il est vrai que They All Laughed (« Et tout le monde riait », 1981) n’est pas couramment diffusé (OCS ne l’a pas ou n’a pas pu le mettre à son programme), ses bobines n’ont pas été égarées ni détruites, et l’on peut trouver le film en édition DVD et sur YouTube.

Le documentaire fait intervenir des cinéastes de premier plan – Wes Anderson, Quentin Tarantino – grands aficionados du film, qui tous disent avoir été largement influencés par lui. They All laughed n’est probablement pas la plus belle des lettres d’amour à New York, comme le suggère le réalisateur de Pulp Fiction (1994) – ce statut est occupé par Manhattan (1979), de Woody Allen –, mais il restera dans les mémoires pour avoir donné l’un de ses tout derniers rôles à Audrey Hepburn et avoir fait découvrir la jeune Dorothy Stratten – dont Peter Bogdanovich partageait la vie depuis peu –, qui fut assassinnée avant la sortie du film par son mari, jaloux, dont elle était en train de se séparer. Renaud Machart

« One Day Since Yesterday », documentaire de Bill Teck. Avec Peter Bogdanovich, Ben Gazzara, Jeff Bridges, Wes Anderson, Quentin Tarantino, Cybill Shepherd, Louise Stratten, Colleen Camp (Etats-Unis, 2014, 97 min.). Disponible à la demande sur OCS.