« Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise », documentaire diffusé par Arte le 5 mars. / CAPTURE D’ÉCRAN / DREAM WAY PRODUCTIONS

Il ne sera plus visible en ligne tant que la justice ne se sera pas prononcée. La chaîne franco-allemande Arte a été contrainte de retirer de sa plate-forme de diffusion le documentaire Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise. A la suite d’une plainte en référé d’un prêtre, le tribunal d’instance de Hambourg (Allemagne) a, en effet, décidé le 20 mars de suspendre la diffusion de cette enquête consacrée aux viols commis par des ecclésiastiques sur des religieuses, qui avait fait grand bruit en France et en Allemagne.

Selon Fabrice Puchault, directeur de l’Unité société et culture d’Arte France, cité par La Croix, « la personne qui a porté plainte est un prêtre allemand » :

« Il n’est pas nommé [dans l’enquête], et le lieu où il exerçait n’est pas mentionné, mais il s’est reconnu et a estimé être reconnaissable par d’autres. Le tribunal lui a donné raison, après une audience à laquelle – pour des raisons qui tiennent à la procédure judiciaire allemande –, nous n’étions pas présents. »

La chaîne risque une amende pouvant aller jusqu’à 250 000 euros, ainsi que deux ans d’emprisonnement, si elle diffuse le documentaire. Mais elle n’entend pas baisser les bras pour autant. « Nous défendons ce film, dont nous avons accompagné la production comme la diffusion. Nous préparons donc un dossier pour faire opposition à la décision du tribunal », a fait savoir Fabrice Puchault.

Témoignages à visages découverts

Résultat d’une investigation menée pendant deux ans dans plusieurs pays par les journalistes Elizabeth Drévillon, Marie-Pierre Raimbault et Eric Quintin, le documentaire va bien au-delà de la dénonciation des sévices endurés par les membres des communautés religieuses, pour s’intéresser à la responsabilité du Vatican dans la protection des prêtres violeurs.

Les témoignages recueillis, pour la majorité à visage découvert, sont édifiants. Acte de « pénitence », découverte de « l’amour véritable de Dieu », tous les prétextes sont bons, ce qui rend d’autant plus complexe pour les victimes de réaliser qu’elles ont été violées. Et le summum de l’abject est atteint lorsqu’une des victimes tombe enceinte. Le panel des solutions proposées par la hiérarchie va alors de la plus simple – la future mère est purement et simplement bannie de la communauté – à la plus incompréhensible – un avortement dans la plus grande discrétion est organisé –, en passant par la plus hypocrite – la jeune femme se voit proposer « d’offrir son enfant à Dieu », c’est-à-dire de l’abandonner. Celles qui s’expriment ici évoquent avec douleur cette atteinte à leur chasteté, et l’épreuve immense que fut pour elles de s’opposer à leurs bourreaux.

1,5 million de téléspectateurs

A ce titre, le documentaire porte une charge particulièrement violente contre le Vatican. Il impute au pontificat de Jean Paul II d’avoir favorisé cette culture de l’impunité en minimisant systématiquement les accusations. Le prêtre Pierre Vignon, exclu du tribunal ecclésiastique de Lyon, vraisemblablement pour avoir réclamé la démission du cardinal Philippe Barbarin (récemment jugé pour non-dénonciation d’un prêtre accusé d’agressions sexuelles sur mineurs), relève que les sanctions, quand sanction il y a, sont in fine toutes soumises pour approbation au Vatican.

Lors de sa diffusion en prime time le 5 mars, le documentaire avait réuni 1,5 million de téléspectateurs en France, soit une part de marché trois fois supérieure à la moyenne. Entre le 5 mars et le 5 avril, date à laquelle il a été retiré de la plate-forme de vidéos à la demande de la chaîne, il a été vu 495 721 fois en France, selon La Croix. Le documentaire était censé être disponible en replay jusqu’au 5 mai.