Tribune. Nous demandons la libération immédiate de Moncef Kartas, détenu illégalement par les autorités tunisiennes depuis le 26 mars. En tant que membre du panel des experts du comité du Conseil de sécurité des Nations unies créé par la résolution 1 973 sur la Libye en 2011, Moncef Kartas jouit de l’immunité en vertu de la Convention de l’ONU sur les privilèges et immunités (1946). Cela inclut l’immunité d’arrestation ou de détention. Le secrétaire général des Nations unies a confirmé, dans de multiples notes verbales aux autorités tunisiennes, qu’au moment de sa détention, Moncef Kartas effectuait sa mission officielle. Sa détention constitue donc une violation grave des obligations internationales de la Tunisie. En outre, sa détention constitue un obstacle direct aux travaux du comité, étant donné qu’elle intervient au moment même où le panel des experts prépare son rapport intermédiaire.

Moncef Kartas, ressortissant binational tuniso-allemand, fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Il est accusé de révélation préméditée de secrets concernant la sécurité nationale tunisienne à des Etats étrangers ou à leurs associés. Une condamnation en raison de ces accusations pourrait conduire à la peine de mort. Seul le secrétaire général des Nations unies a le droit de lever l’immunité pour des experts tels que Moncef Kartas. La Tunisie, signataire de la convention depuis 1957, n’a présenté aucune demande ou preuve justifiant la levée de son immunité. Aucun élément de preuve n’a été présenté concernant la coopération présumée de Moncef Kartas avec des Etats étrangers ou leurs associés dans la trahison de secrets relatifs à la sécurité nationale tunisienne. La détention de Moncef Kartas pour des motifs fallacieux et en violation de son immunité soulève de graves questions concernant l’Etat de droit en Tunisie.

Des normes éthiques irréprochables

Moncef Kartas jouit de la meilleure réputation au sein de la communauté des chercheurs et auprès des organisations internationales et non gouvernementales. Nous connaissons personnellement Moncef Kartas en tant que chercheur et praticien engagé, ayant des normes éthiques et professionnelles irréprochables. Moncef Kartas a constamment fait preuve de son engagement à promouvoir l’Etat de droit et la sécurité, notamment en Afrique du Nord et en Tunisie. Moncef Kartas enquête depuis 2016 sur les violations de l’embargo sur les armes imposé par l’ONU contre la Libye pour le panel des experts de l’ONU. Il cherche, grâce à ce travail, à contribuer à la paix et à la sécurité en Libye, ce qui, en retour, sert directement les intérêts de la sécurité nationale de la Tunisie.

Moncef Kartas a travaillé et publié de nombreux articles sur la transformation des conflits et la réduction de la violence armée, pendant de nombreuses années. Il a dirigé un projet pluriannuel axé sur la compréhension et l’atténuation de la violence armée en Afrique du Nord pour Small Arms Survey, une ONG suisse internationalement reconnue, au cours duquel il a régulièrement informé de hauts fonctionnaires des ministères tunisiens de la défense, de l’intérieur et des affaires étrangères. Il a en outre dispensé régulièrement des formations et des conseils aux responsables de la sécurité tunisienne et libyenne en matière d’élaboration de stratégies et de politiques.

Nous exprimons notre entière solidarité avec Moncef Kartas et sa famille. Nous rappelons que Moncef Kartas est détenu illégalement et appelons le secrétaire général des Nations unies, les Etats membres du comité des sanctions du Conseil de sécurité sur la Libye et, en particulier, le gouvernement allemand, à condamner l’arrestation de Moncef Kartas par les autorités tunisiennes et à déployer tous les efforts possibles pour obtenir sa libération immédiate. Nous demandons au gouvernement tunisien de respecter l’immunité accordée à Moncef Kartas en vertu du droit international et de le libérer immédiatement.

Cette tribune est signée par 107 personnes, issues notamment d’organisations internationales et d’ONG. Les premiers signataires (par ordre alphabétique) sont le consultant Naji Abou Khalil, ancien membre du panel des experts de l’ONU pour la Libye ; l’avocat Sharhabeel Al Zaeem, du cabinet Al Zaeem & Associates ; l’analyste Omar Al-Shahery, de la National Cyber-Forensics and Training Alliance ; Anna Alvazzi del Frate, directrice des programmes de l’ONG Small Arms Survey ; et Ritat Amthor-Kartas, épouse de Moncef Kartas. Liste complète dans le tweet ci-dessous de Wolfram Lacher, chercheur au German Institute for International and Security Affairs :