Vivre avec. Avec les « gilets jaunes », qui jouent un nouvel acte chaque semaine. Avec les violences et les gaz lacrymogènes, tous les samedis. Avec des syndicats remontés et une grogne sociale qui ne s’éteint pas. Au lendemain des manifestations du 1er-Mai, qui ont réuni 164 000 personnes dans toute la France, selon le ministère de l’intérieur, et ont été le théâtre de nouvelles violences entre forces de l’ordre et black blocs, l’exécutif constate qu’il va devoir continuer à dérouler son agenda avec cette musique de fond. « Il y aura toujours un noyau d’ultras et d’opposants, avec cette forme nouvelle de violence », souffle un secrétaire d’Etat.

Ces derniers jours, la plupart des membres du gouvernement et des ministres anticipaient la persistance de ce climat pourri. « Les “gilets jaunes” qui continuent de manifester, je suis sûre qu’ils n’écouteront même pas le discours du président de la République », prévoyait une ministre à la veille la conférence de presse du chef de l’Etat, le 25 avril. « Il y a toujours des gens qui vous expliqueront que ce qu’a annoncé le président ce n’est pas assez », ajoute un poids lourd du gouvernement, qui veut néanmoins se montrer optimiste : « Cela va infuser dans les semaines qui viennent. »

« Café du commerce »

En attendant, il convient de se montrer mobilisé. Mercredi soir, Edouard Philippe est arrivé en Charente pour un déplacement de deux jours. Une « délocalisation » de Matignon destinée à illustrer la politique de l’exécutif en matière d’apprentissage, de ruralité, ou la réforme à venir de la dépendance. C’est au premier ministre qu’il revient d’appliquer les mesures annoncées par le chef de l’Etat et d’en définir le calendrier et certains arbitrages. Jeudi matin, Matignon a indiqué que la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires, annoncées par Emmanuel Macron le 10 décembre avec d’autres mesures d’urgence, devraient rapporter 3 milliards d’euros de pouvoir d’achat en 2019 aux salariés et fonctionnaires, confirmant une information de RTL.

Le séminaire gouvernemental organisé, lundi, dans les jardins de l’hôtel Matignon, a été jugé décevant par certains. « C’était plus des groupes de réflexion collective que des travaux cadrés », regrette un participant. « C’était davantage de l’ordre du café du commerce que de la réunion de travail », cingle un conseiller gouvernemental.

Emmanuel Macron, qui aime en général prendre la parole au début du conseil des ministres, a cette fois conclu les débats, mardi, de manière inhabituelle. Le président de la République a réclamé à ses ministres une présence accrue sur le terrain, notamment aux côtés de leurs administrations et de certains directeurs régionaux, qualifiés de « roitelets ». « Il nous a dit que nos administrations devaient avoir le sentiment d’être dirigées », rapporte un participant. « Efficacité, humanité, proximité » : tel est le mot d’ordre délivré par le locataire de l’Elysée, comme un nouveau mantra. « On ne peut pas embarquer un pays sans faire avec », veut croire une ministre, alors que M. Macron a donné le sentiment de ne compter que sur lui-même depuis le début du quinquennat.

A partir de lundi, Edouard Philippe réunira à Matignon une « mobilisation nationale et territoriale » sur l’emploi et la transition écologique autour de syndicats, d’associations d’élus et d’ONG. L’occasion d’essayer de souffler dans les voiles de l’acte II du quinquennat. « On est sur le toboggan en train de glisser. La question, c’est ; va-t-on se relever ? Nicolas Sarkozy n’a pas réussi, François Hollande non plus », note un ministre. Il faudra vivre, aussi, avec cette interrogation.