Des CRS évacuent les manifestants se trouvant dans l’enceinte de l’hopital universitaire de la Pitié-Salpêtrière, le 1er-Mai à Paris. / BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Après la publication, jeudi 2 mai sur Facebook, d’une vidéo contredisant les propos de Christophe Castaner au sujet des incidents survenus à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière lors des manifestations du 1er-Mai à Paris, l’opposition a accusé le ministre de l’intérieur de mentir et a demandé sa démission.

Mercredi soir, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait tweeté : « Ici, à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. » Une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue à la suite de cette intrusion pour « attroupement en vue de commettre des dégradations ou des violences », puis relâchées jeudi soir. L’enquête, ouverte par le parquet de Paris, se poursuit cependant.

Or, d’après les différents témoignages recueillis par Le Monde et des nouvelles images publiées jeudi, l’intrusion d’une foule hétérogène dans la cour de l’hôpital, tout comme la tentative d’une partie des manifestants de pénétrer dans le service de réanimation, semble avant tout le fruit de la cohue liée à l’intervention des forces de l’ordre.

"Attaque" de la Pitié-Salpêtrière : les images prises à l'intérieur
Durée : 06:04

Ces dernières ont fait usage de gaz lacrymogène en quantité importante, entraînant un mouvement de foule. Plusieurs manifestants interrogés par Le Monde affirment dès lors être entrés non pas pour attaquer l’hôpital, mais pour se réfugier dans sa cour, ce qui est cohérent avec les images filmées depuis l’intérieur.

Castaner « doit démissionner »

Après la publication d’images et de témoignages des manifestants et du personnel soignant venant contredire l’affirmation du ministre de l’intérieur, les différents partis d’opposition ont demandé des explications, voire sa démission.

« Le ministre de l’intérieur doit cesser de mettre de l’huile sur le feu et doit maintenant s’expliquer sur ses déclarations démenties par les faits », a écrit Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat sur Twitter.

Des personnes, guidés par de nombreux policiers a moto, quittent les mains en l’air l’hopital de la Pitie Salpetriere, le 1er-mai 2019. / JULIEN MUGUET POUR LE MONDE

« M. Castaner est un menteur, en plus d’être un incompétent », a lancé un peu plus tôt à Marseille le chef de file des « insoumis », Jean-Luc Mélenchon, sur Franceinfo, accusant le ministre de l’intérieur d’avoir « inventé » l’attaque de l’hôpital parisien. Pour Adrien Quatennens, député La France insoumise du Nord, « après cet acte-là, M. Castaner ne peut pas rester et doit démissionner ». Et de poursuivre, au micro d’Europe 1 :

« C’est extrêmement grave : dans une démocratie, un ministre de l’intérieur qui instrumentalise à ce point la presse et fait porter le chapeau à un mouvement social (…) ne peut pas rester, ça a le mérite d’être clair. »

« S’il s’agit d’un mensonge délibéré dans le seul et unique but de disqualifier et salir une mobilisation sociale, le ministre de l’intérieur doit être démis de ses fonctions sans délai », a aussi estimé Benoit Hamon (Génération·s), demandant que « le gouvernement produise les preuves de ce qu’il affirme ».

Pour le porte-parole des députés communistes, Sébastien Jumel, « M. Castaner se sert de la parole ministérielle comme d’un LBD [lanceur de balles de défense]. Mais par Pitié-Salpetriere que le ministre garde son sang froid, tienne des propos mesurés sur des infos circonstanciées et arrête de dégoupiller des grenades verbales d’enfumage politique ! »

Buzyn prudente

Jeudi matin, en marge d’un déplacement en Charente, Edouard Philippe a aussi dénoncé l’intrusion « totalement irresponsable » d’une trentaine de manifestants dans l’hôpital parisien, sans reprendre à son compte l’hypothèse d’une attaque.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a été interpellée jeudi au Sénat par le président du groupe socailiste, Patrick Kanner : « Faut-il suivre les conclusions de M. Castaner ou faut-il plutôt vous suivre, puisque vous avez été beaucoup plus prudente ? », a-t-il demandé. « Il y a une enquête en cours (…) et je pense qu’il y a eu différents temps », a répondu la ministre :

« C’est-à-dire un temps à l’entrée de l’hôpital, au niveau des grilles, puis un temps sur une passerelle qui menait à une réanimation, et donc je pense que l’enquête clarifiera les responsabilités, la volonté d’agression ou pas, en fonction de ces différents moments. »

A Paris, les images d’un défilé du 1er-Mai entre fanfare, gaz lacrymogènes et heurts