Mmusi Maimane, leader de l’Alliance démocratique (DA), lors d’un meeting à Johannesburg, en Afrique du Sud, le 23 février 2019. / Siphiwe Sibeko / REUTERS

Sur le papier, Mmusi Maimane a tout pour plaire : il est jeune (38 ans), noir, surdiplômé, entrepreneur, marié à une femme blanche dans une Afrique du Sud où les couples mixtes sont extrêmement rares. Le leader de l’opposition sud-africaine est à la fois l’incarnation de l’Afrique en marche et de la nation Arc-en-Ciel rêvée par Nelson Mandela.

Son rêve à lui, c’est de délivrer les Sud-Africains des griffes du Congrès national africain (ANC), le plus vieux parti de libération d’Afrique, rongé par l’usure du pouvoir et la corruption. « Nous avions besoin d’être libérés. Mais maintenant, il faut se libérer des libérateurs », lançait-il à ses partisans, à Johannesburg, samedi 27 avril. « Ce mouvement est devenu un monument, sa place est au musée », ajoutait-il quelques jours plus tard.

La présidence catastrophique de Jacob Zuma (2009-2018), marquée par des choix économiques douteux, un chômage record (27 %) et des scandales de corruption à n’en plus finir, lui ouvrait un boulevard. Mais si l’on en croit les derniers sondages, son parti, l’Alliance démocratique (DA, libéral), se présente en plutôt mauvaise posture aux élections générales du 8 mai. Les jours du fringant Mmusi Maimane à sa tête pourraient bien être comptés.

« L’Obama de Soweto »

En 2015, pourtant, son accession à la présidence du parti est un coup de maître de la puissante Helen Zille, qui lui laisse le fauteuil. Le voici premier leader noir d’un parti majoritairement blanc, mais son parachutage fait grincer des dents. Pour certains, il est la marionnette de Zille, la caution noire destinée à appâter les électeurs de l’ANC. Pour d’autres, il est tout simplement inexpérimenté.

Néanmoins, le charme de « l’Obama de Soweto » opère. Lors des élections municipales de 2016, la DA obtient 26 % des suffrages, le meilleur score de son histoire. Par le jeu des alliances, elle rafle les métropoles de Johannesburg, Pretoria et Port Elizabeth. A l’échelon local, la DA gouverne désormais 15 millions de Sud-Africains. Surtout, Maimane achève la transformation du parti en un mouvement véritablement multiracial. Sur les supports de communication, dans les meetings et jusqu’aux têtes de liste, les Noirs et les métis sont mis en avant. « La DA devait changer, nous devions chambouler tout ça », confie t-il.

Mais au sein d’un mouvement de plus en plus disparate, les différences se font jour. « Ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’essentiel », estime l’analyste politique Ralph Mathegka. A savoir : quelle politique de discrimination positive mettre en place pour corriger les inégalités héritées de l’apartheid, alors que ce concept hérisse le poil des libéraux. Désorientés par un leader qui leur parle de « privilège blanc », les conservateurs afrikaners regardent vers l’autre parti blanc, ultraminoritaire : le Front de la liberté plus (VF +).

Couacs et psychodrame

Depuis les municipales de 2016, les couacs se multiplient. L’omniprésente Helen Zille, première ministre de la province du Cap, dérape et tweete sur les aspects « positifs » de la colonisation. Maimane hésite, finit par trancher, trop tard, trop mal. Elle conserve son poste mais sort de la direction du parti. Ses détracteurs y voient un aveu de faiblesse et la preuve de son incapacité à tenir le mouvement.

Puis, au moment où l’ANC intronise Cyril Ramaphosa et tourne enfin la page Zuma, la DA sombre dans un psychodrame autour de Patricia de Lille, la maire du Cap, soupçonnée de corruption. Le parti veut s’en séparer, mais les preuves manquent et l’élue se débat. Après diverses procédures judiciaires qui révèlent à tous l’ampleur des divisions, Patricia de Lille démissionne et fonde son propre parti, baptisé Good par opposition aux « méchants » de la DA. Revancharde, elle menace désormais leur bastion du Cap et ne se prive pas de les descendre dans les médias : « Mmusi Maimane ? Plus jamais ! Nous ne voulons pas d’un président qui critique, qui critique, sans jamais offrir de solution », explique-t-elle.

De fait, avec le départ de Jacob Zuma, Mmusi Maimane a perdu son meilleur argument de campagne. Dans une Afrique du Sud qui doute, et dans un contexte mondial de montée des nationalismes, le rêve de Mandela a fait long feu. Et toujours, la DA, qui s’obstine à se présenter comme la véritable héritière de « Madiba », est ramenée à cette image de « patrons blancs et de laquais noirs ». L’expression, qui date de 2000, est de Mandela lui-même.

« Il est trop gentil »

« Le problème de Mmusi, c’est qu’il est trop gentil. Ramaphosa, derrière son sourire, c’est un requin », explique un cadre du parti. En février, Maimane a fini par taper du poing sur la table lors d’un congrès de la DA au Cap. « Fermez-la ! », a-t-il ordonné alors qu’un énième débat sur la discrimination positive risquait de semer la confusion chez les électeurs.

Après le 8 mai, son score national mais aussi au niveau des provinces sera déterminant pour son avenir, mais aussi pour l’unité de son parti. Lui-même le dit : « Je me battrai toujours pour une Afrique du Sud non raciale, que ce soit dans ou en dehors de la DA. Cette cause structure ma vie et je me battrai pour elle jusqu’à ma mort. »

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