Markus Braun, le directeur général de Wirecard, à Aschheim, près de Munich (sud de l’Allemagne), en septembre 2018. / CHRISTOF STACHE / AFP

« Un futur fantastique » : c’est le destin que Markus Braun, directeur général de Wirecard, entrevoit pour le fleuron allemand des paiements numériques. La fintech, qui a été fondée en 1999, pèse 17 milliards d’euros en Bourse et a rejoint, le 24 septembre 2018, l’indice DAX regroupant les trente valeurs vedettes cotées à Francfort.

Cette trajectoire vient saluer la croissance à marche forcée de cette plate-forme de paiement. Trop forcée ? En présentant, le 25 avril, les comptes annuels, les dirigeants de Wirecard ont recensé pas moins de douze mesures visant à renforcer sa conformité. Il était grand temps, à en croire le Financial Times (FT).

Le quotidien des affaires britannique a publié une série d’enquêtes sur Wirecard évoquant, avec moult détails, acrobaties comptables et circuits douteux. La fintech conteste, et l’affaire tourne à un face-à-face tendu entre le prestigieux journal et l’establishment allemand.

Au point qu’à la mi-avril la BaFin, le gendarme de la Bourse allemande, a adressé au procureur de Munich une plainte concernant deux journalistes du FT, suspectés de manipulation de cours en lien avec une dizaine de vendeurs à découvert, ces fameux « shorts » qui spéculent à la baisse sur les actions. Du jamais-vu.

Si Wirecard fait l’objet, depuis sa création, d’interrogations diverses sur ses pratiques, les nouvelles accusations remontent à fin janvier, lorsque dans son édition du 30 de ce mois, le FT assure que des salariés d’une filiale de Wirecard à Singapour auraient réalisé de fausses écritures pour gonfler le chiffre d’affaires en Asie. Des informations « inexactes, trompeuses et diffamatoires », rétorque Wirecard.

Enquête criminelle

La fintech reconnaît qu’un lanceur d’alerte a bien dénoncé des irrégularités, mais elles seraient minimes. Le 26 mars, Wirecard affirme que l’expert juridique Rajah & Tann, chargé d’enquêter sur ces allégations, ne prévoit pas d’« impact significatif » sur les comptes de la firme allemande en 2018. Wirecard précise toutefois que « quelques employés » à Singapour sont concernés par une enquête criminelle menée par les autorités locales.

La Bourse abhorre l’incertitude. L’action Wirecard perd 40 % de sa valeur lorsque, le 18 février, la BaFin interdit pour deux mois les ventes nettes à découvert sur ce titre. La technique consiste à emprunter une action pour la vendre, en espérant la racheter ensuite moins cher et empocher la différence.

Le régulateur allemand note qu’il y a eu une forte augmentation des positions à découvert sur Wirecard depuis le 1er février. Pour la BaFin, la fintech est victime d’une « attaque de shorts » qui présente « un risque pour l’intégrité des marchés financiers allemands ». Des raids traditionnellement « suivis ou facilités par des articles négatifs dans les médias », note le régulateur.

Un mois plus tard, la BaFin va plus loin, en soupçonnant le FT de collusion avec les fonds spéculatifs. Pour le régulateur, cité par le Spiegel, le problème ne serait pas de déterminer si le journal britannique a tort ou raison dans ses allégations, mais de savoir si les « shorts » étaient informés à l’avance des publications du FT. Le quotidien dément tout manquement et poursuit ses investigations.

Cette épreuve de force constitue un vrai cas d’école. Depuis le 15 février, l’action Wirecard a crû de 35 %. Le 24 avril, la firme bavaroise a annoncé, à la surprise générale, un partenariat avec le géant japonais SoftBank, ce dernier injectant 900 millions d’euros dans Wirecard sous forme d’obligations convertibles. Affaire à suivre.

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