Game of Thrones : le résumé de la série saison par saison
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Editorial du « Monde ». Il s’agit d’un phénomène populaire et culturel dont l’ampleur ne cesse de fasciner, voire d’interroger. A l’image du troisième épisode, désormais culte, de la huitième et dernière saison de Game of Thrones, qui monopolise les discussions depuis sa diffusion, dans la nuit du dimanche 28 au lundi 29 avril. Déroulant une bataille nocturne titanesque et irrespirable, qui a tenu pas moins de 17,8 millions d’abonnés (un record) de la chaîne HBO en haleine, cet épisode est d’ores et déjà qualifié par de nombreux observateurs de moment majeur de l’histoire de la télévision. De fait, le phénomène « GoT » n’a aucun équivalent sur les deux dernières décennies.

Ce succès tient, pour commencer, d’un miracle industriel. L’issue de Game of Thrones a toujours paru d’autant plus incertaine que son matériau d’origine, les romans de George R. R. Martin, peinait à suivre la cadence imposée par les producteurs de HBO. Treize ans après sa publication, la saga du Trône de fer n’en est en effet qu’à son cinquième livre, sur les sept prévus, alors que son adaptation en série télé s’apprête, elle, à boucler l’histoire. Cas unique d’une épopée ouverte par une première page, bientôt close par un dernier plan.

Appétence pour la télévision linéaire

Cette série-phénomène entérine également le sacre de la télévision. Sur le format écrit, bien sûr, mais aussi sur le circuit cinématographique. C’est une nouveauté. Poussée par la démocratisation à grande échelle des offres Internet à très haut débit et la migration massive de scénaristes d’Hollywood vers la télévision, le petit écran a pris, au cours des années 2010, sa revanche sur le grand.

Non seulement cette ultime saison de Game of Thrones est traitée par les médias au même niveau que la superproduction Avengers : Endgame, sortie au cinéma au même moment. Mais c’est en adoptant un format de série que Marvel a réussi à donner à ses films de super-héros l’ampleur que Game of Thrones a acquise dès ses débuts. Et, comme en atteste le budget pharaonique du seul épisode 3 de cette huitième saison – 15 millions de dollars (13,4 millions d’euros) et pas moins de 750 figurants mobilisés –, les moyens de la télévision ne vont qu’en augmentant.

A l’heure où Netflix, la vidéo à la demande et la télévision de rattrapage, dite en « replay », révolutionnent les habitudes de plusieurs millions de Français, le succès planétaire de Game of Thrones rappelle par ailleurs qu’il persiste plus que jamais une appétence pour la télévision linéaire, ou tout du moins pour cette forme de diffusion mondiale qui, comme l’Eurovision ou les grandes compétitions sportives, ressuscite à échéances régulières des moments d’intense communion collective.

Enfin, cette saga à l’écriture accidentée vaut aussi pour ses choix narratifs radicaux et sa photographie précieuse, et étonnamment clairvoyante, de l’évolution des mentalités en Occident. D’abord rustre, bourrue, cruelle et volontiers luxurieuse, Game of Thrones a petit à petit pris le pli de la montée des idéaux féministes et inclusifs, jusqu’à détrôner ses rois, castrer les mâles, tandis qu’elle sacrait des reines et anoblissait des chevalières. Et, si l’histoire ne dit pas encore qui exactement montera sur le trône et gouvernera les sept couronnes de son monde fictif, ces huit saisons nous montrent déjà tout le chemin parcouru, pas seulement par la série, mais aussi par nos sociétés.