Un élevage de porcs dans la province du Henan, en Chine, le 10 août 2018. / GREG BAKER / AFP

Chronique matières premières. Le jambon sera-t-il bientôt une denrée de luxe ? Va-t-on manquer de saucisses pour les barbecues estivaux ? Les questions se font pressantes. Si le spectre de la pénurie est à ranger dans l’armoire aux fantasmes, la hausse des prix de la charcuterie semble inéluctable. Le marché du porc est sur le gril et les cours s’enflamment. En cause ? L’épidémie de peste porcine africaine qui continue de s’étendre en Asie.

« La peste porcine africaine, apparue à l’été 2018 en Chine, s’est généralisée dans ce pays et touche maintenant le Vietnam et le Cambodge. C’est une bérézina inédite », déclare Guillaume Roué, président de l’interprofession du porc, l’Inaporc. D’autant que la Chine est le cœur du réacteur de la production mondiale porcine, avec près de la moitié des volumes, soit 50 millions de tonnes.

Si 2019 est l’année du cochon, symbole de bonne fortune dans la culture chinoise, l’animal, lui, n’est guère à la fête. Difficile encore de chiffrer l’ampleur des abattages. « Aujourd’hui, la perte serait de 8 millions de tonnes. On pourrait atteindre à terme 30 % de la production », estime M. Roué. Les paysans chinois qui possèdent quelques têtes de bétail ont préféré, parfois, se séparer de ce patrimoine plutôt que de voir leur cheptel décimé par la maladie. Le modèle traditionnel chinois de l’élevage porcin part en eau de boudin…

Crise sanitaire

Avec cet afflux de viande, les cours n’ont pas frémi de suite. Il a fallu attendre mi-mars pour voir l’aiguille du marché au cadran de Plérin dans les Côtes-d’Armor, boussole de la filière porcine française, commencer à bouger. Elle a alors franchi la barre du 1,2 euro le kilo. Un mois plus tard, elle bondissait au-dessus du 1,4 euro le kilo, en progression de près de 20 %.

L’appel d’air des importations chinoises de porc insuffle désormais cette hausse des prix aux quatre coins de la planète. Et Pascal Le Duot, directeur du marché de Plérin s’interroge sur l’onde de choc de cette crise sanitaire sur la chaîne alimentaire. « La volaille pourrait se renchérir et le cours du soja être touché », estime-t-il.

Les éleveurs français, qui se refont un peu de gras, ont le sourire. Même si leur situation est fragile. Ils ont eu des sueurs froides avec l’apparition de suidés belges contaminés en septembre 2018. Les chasseurs ont donné de la gâchette, et la France a hérissé une barrière à la frontière pour confiner le virus.

Les industriels de la charcuterie, eux, font grise mine. Ils ont négocié leurs tarifs avec la grande distribution juste avant la flambée des cours. Asphyxiés, ils demandent aux enseignes une revalorisation rapide arguant des nouvelles règles fixées par la loi Egalim. Cochon qui s’en dédit…

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