Un ranger dans le parc national de la Pendjari, au Bénin, en janvier 2018. / STEFAN HEUNIS / AFP

Deux touristes français sont portés disparus depuis le mercredi 1er mai dans le parc national de la Pendjari, dans l’extrême-nord du Bénin. Avec leur guide, ils devaient rentrer dans la soirée à leur hôtel, après un safari dans le nord-est du parc, à la frontière avec le Burkina Faso. Selon la direction de la réserve, ils ont été vus pour la dernière fois à bord d’un véhicule blanc de la marque Toyota. Depuis, aucun signe de vie. Un appel à témoins a été diffusé.

« Les recherches se poursuivent activement afin de retrouver nos deux compatriotes », a assuré le ministère français des affaires étrangères dans un communiqué publié dimanche sur le site France Diplomatie. « Le Centre de crise et de soutien ainsi que nos ambassades au Bénin et au Burkina Faso sont mobilisés et travaillent en collaboration avec les autorités locales », nous précise le Quai d’Orsay, qui refuse pour l’instant de parler d’enlèvement mais évoque plutôt « une disparition inquiétante ».

Aucune trace côté burkinabé

Samedi matin, le corps du guide béninois a été retrouvé sur la berge de la rivière Pendjari, côté Bénin, ainsi que « des traces de la traversée de ce cours d’eau pour rejoindre le Burkina », a indiqué le ministre béninois de l’intérieur, Sacca Lafia, dans la soirée. « C’était un guide professionnel bien connu au Bénin. Samedi matin, lorsque les gens du parc l’ont découvert, ils l’ont reconnu malgré l’état très abîmé du corps. Un médecin légiste qui l’a ensuite examiné a estimé que c’était lui à 99 % », a expliqué à l’AFP une source proche du gouvernement béninois, précisant qu’il s’agissait de Fiacre Gbédji.

Quant au sort des deux touristes, « deux enseignants venus passer une dizaine de jours en vacances au Bénin », l’incertitude règne toujours. « Nous avons confirmation que les deux Français ne sont plus dans le parc actuellement, nous avons perdu leur trace à la frontière, où ils auraient pris la direction du parc d’Arly, au Burkina », affirme Jean-Marie Angelo Amoussou, chargé de projet du parc de la Pendjari pour l’ONG sud-africaine African Parks. Selon lui, la piste du kidnapping se renforce.

Une vaste opération de recherches, menée avec les forces de sécurité locales, se poursuit depuis mercredi soir pour tenter de retrouver la trace des deux Français dans la réserve du Pendjari, d’une superficie de 4 700 km2. « Nous avons une centaine de rangers, une quinzaine de véhicules et deux avions privés déployés sur le terrain », explique Jean-Marie Angelo Amoussou. Côté burkinabé, aucune trace des touristes n’a été constatée, assure le ministère de la sécurité, mais selon une source locale, un véhicule blanc identique à celui qu’ils avaient loué a été retrouvé dans le parc d’Arly.

Le parc national de la Pendjari, prisé par les touristes pour sa faune sauvage, est situé dans une zone forestière dense à la frontière avec l’est du Burkina, où les attaques terroristes se sont multipliées depuis l’année dernière. Le Quai d’Orsay déconseille formellement à ses ressortissants les déplacements à la frontière nord du Bénin, « compte tenu de la présence de groupes armés terroristes et du risque d’enlèvement ».

« Le verrou a sauté »

Jusqu’ici, le pays était pourtant épargné par l’insécurité grandissante au Sahel, où opèrent de nombreux groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI). « C’est du jamais-vu, nous accueillons régulièrement des touristes et nos patrouilles circulent matin et soir pour repérer les éventuels braconniers ou bandits. Aucun individu suspect n’a été vu », s’étonne un responsable du parc.

Depuis quelques mois, plusieurs experts s’inquiétaient d’un risque de « contagion » de l’insécurité qui gagne le Burkina depuis trois ans. « Des groupes armés ont réussi à s’implanter dans le nord du Bénin et du Togo depuis l’été dernier. Ce sont des zones forestières difficiles d’accès, où sévissent les trafiquants et les bandits de la région, d’autant plus que la présence des forces de sécurité y est faible. Ils ont donc facilement pu en faire une base arrière », analyse un spécialiste. Le 15 février, un prêtre espagnol et quatre douaniers ont été abattus dans une attaque attribuée à des djihadistes dans l’est du Burkina, à la frontière togolaise.

Mi-mars, l’armée burkinabée a lancé une vaste opération antiterroriste dans la région. Les services de sécurité avaient alors prévenu les autorités du Bénin, du Togo et du Ghana d’un risque de repli des groupes armés sur leur territoire. « Nous avons donné l’alerte, nous avons vu que des groupes étaient en train d’arriver chez nos voisins, ils n’ont pas su anticiper », condamne une source au ministère de la sécurité.

« Le Burkina Faso constitue un verrou entre le Sahel et les pays côtiers dans la lutte contre le terrorisme. S’il saute, ses voisins seront atteints », avait également averti Alpha Barry, le ministre burkinabé des affaires étrangères. « Le verrou a déjà sauté au moment où le pays a perdu l’est, rétorque une source sécuritaire. L’insécurité commence à contaminer les pays frontaliers, la donne est en train de changer. »