Lorsqu’il s’engage, c’est que l’heure est grave. C’est en tout cas ce qu’Emmanuel Macron aime à répéter, en assumant ce goût du « tragique » qui l’a amené à l’Elysée quand la France menaçait de porter Marine Le Pen au pouvoir. Deux ans plus tard, le chef de l’Etat reprend cette antienne pour s’engager dans la campagne pour les élections européennes. « Pour lui, c’est une élection cruciale pour l’avenir de l’Europe, mais aussi pour son quinquennat », confie un membre de sa garde rapprochée.

Après les annonces présidentielles du 25 avril pour tenter d’apaiser la colère des « gilets jaunes », la campagne pour les européennes peut enfin commencer. Lundi 6 mai, La République en marche (LRM) tiendra deux meetings, l’un à Caen, l’autre à Paris, avant de présenter son programme jeudi 9 mai et d’organiser une réunion publique à Strasbourg samedi. C’est donc logiquement ce moment qu’a choisi le chef de l’Etat pour se lancer, lui aussi, dans la bataille. « Il fera quelque chose cette semaine, mais il n’a pas encore décidé sous quelle forme », fait savoir son entourage. Le président de la République, qui a analysé ce qu’avaient fait ses prédécesseurs lors des précédents scrutins, assistera très probablement d’ici au 26 mai à un ou deux meetings et organisera des déplacements thématiques sur l’Europe.

Dimension nationale

La liste Renaissance de la majorité présidentielle, emmenée par Nathalie Loiseau, peine à décoller. Pire, elle a légèrement reculé ces derniers jours, après plusieurs maladresses de l’ex-ministre des affaires européennes. Plusieurs sondages la mettent juste derrière celle du Rassemblement national (RN), comme celui réalisé par Ipsos pour Radio France et France Télévisions et publié dimanche 5 mai : LRM est créditée de 21,5 % des intentions de vote, contre 22 % pour l’extrême droite. A l’Elysée, on s’inquiète notamment de noter que, dans ces enquêtes d’opinion, l’abstention monte, ainsi que la dimension nationale du vote.

Dramatiser donc. Pour convaincre les Français d’aller aux urnes, même s’ils ont été déçus par Emmanuel Macron depuis deux ans et même si la sortie du grand débat ne les a pas toujours convaincus. « Symboliquement, ce scrutin est une redite de 2017 », lance un proche du président. Si LRM devait arriver derrière le RN, ce serait un désaveu cinglant pour le chef de l’Etat, qui a fait de l’Europe l’un de ses marqueurs. « Cette élection, c’est stop ou encore à l’Europe, poursuit ce conseiller. C’est une bataille entre ceux qui veulent détricoter ou détruire l’Europe et ceux qui veulent la sauver. » Mais pas seulement : « Notre projet économique et social pour l’acte II du quinquennat serait mis à mal par un bond des anti-européens », poursuit ce proche.

Une stratégie risquée, dans la mesure où elle pourrait attiser encore le sentiment anti-Macron de certains électeurs. Mardi 30 avril, en conseil des ministres, le président a appelé tout le gouvernement à se mobiliser, lui aussi. N’hésitant pas à agiter la menace d’un remaniement ministériel si, au soir du 26 mai, les résultats n’étaient pas au rendez-vous. « Ce scrutin pèsera sur la vie politique française », admet-on à l’Elysée. Message reçu à Matignon, où l’on assure qu’Edouard Philippe avait prévu, bien avant ces remontrances, de s’impliquer activement dans la campagne. Ce lundi, il devait être à Caen aux côtés de Nathalie Loiseau.