Coup de communication ou premier témoignage d’une volonté nouvelle de jouer plus collectif ? Lundi 6 mai, Edouard Philippe a lancé la « mobilisation » en faveur de « l’emploi » et des « transitions écologique et numérique ». Flanqué de plusieurs membres du gouvernement, le premier ministre a reçu à l’hôtel Matignon une quarantaine d’organisations, représentant un large panel d’acteurs issus du monde politique et de la société civile : élus locaux, responsables syndicaux et patronaux, dirigeants d’associations environnementales et de lutte contre la pauvreté… Cette rencontre avait pour but d’enclencher un processus de réflexion qui a vocation à essaimer au plus près du terrain. Comme l’a indiqué M. Philippe à l’issue des discussions, « il faut que tout le monde se mette ensemble », de manière à identifier des solutions « concrètes », « territoire par territoire », à des problèmes « pratiques ».

Cinq thèmes avaient été proposés par l’exécutif : l’apprentissage, les offres d’emploi non pourvues, les freins à la reprise d’une activité (garde d’enfant, transport, logement), l’accompagnement des collectivités locales sur les dossiers touchant à l’environnement et aux nouvelles technologies, les gestes écologiques du quotidien (menus dans les cantines, gestion des déchets…). Un sixième dossier a été ajouté, à la faveur des échanges de lundi : celui de la rénovation thermique et énergétique des bâtiments, auquel la CFDT est très attachée. « Il faut que les changements se voient », a martelé le premier ministre, en confirmant que des mesures seront dévoilées en septembre.

« Pas de changement de méthode »

Cette initiative, qui orchestre une des annonces d’Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril, se veut une réponse à plusieurs des doléances mises en avant par les « gilets jaunes » puis durant le grand débat. Il s’agit aussi pour l’exécutif d’exhiber un autre visage – moins « jupitérien », plus à l’écoute de la population et de ceux qui la représentent. Tous les participants au conclave de lundi ont – ou ont eu – au moins un grief à l’égard du pouvoir en place : les uns estiment avoir été relégués au rang de potiches – à l’image des partenaires sociaux –, d’autres considèrent que l’écologie est le cadet des soucis du président de la République. Le temps semble donc venu d’effacer l’ardoise et de mettre en synergie toutes les bonnes volontés.

La CGT et l’Union syndicale Solidaires, qui faisaient partie des invités à Matignon, lundi, ont décliné l’offre. Pour la centrale de Philippe Martinez, il était hors de question d’assister à une « nouvelle réunion (…) dont les objectifs sont loin de correspondre au mécontentement » qui gronde. Quant à ceux qui étaient présents, beaucoup ont manifesté leur satisfaction. « Il y a un changement de méthode, il est net », a déclaré Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, en relevant la « volonté » gouvernementale « de faire avec les organisations », quelles qu’elles soient. « C’était une grand-messe, mais si elle donne le coup d’envoi à des réunions opérationnelles pour répondre à des questions qui préoccupent les chefs d’entreprise d’un côté et les salariés de l’autre, on est prêts à s’inscrire dans cette démarche », a renchéri Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. « C’est utile de se retrouver », a complété François Baroin, le président de l’Association des maires de France.

L’état d’esprit affiché par M. Philippe n’a toutefois pas convaincu tout le monde. « Je ne vois pas de changement de méthode », a grincé Michel Beaugas, de Force ouvrière, en s’étonnant d’une concertation sur l’apprentissage « alors qu’on l’a fait[e] il y a à peine deux ans ». Dès lors, a-t-il poursuivi, « je me pose la question » : « On nous écoute, mais je ne suis pas sûr qu’on nous entende. »

L’ensemble des protagonistes comptent profiter de l’exercice pour pousser leurs revendications. M. Berger a, ainsi, prévenu que son syndicat bataillera pour une meilleure prise en compte de l’écologie et de la lutte contre l’exclusion. Un sujet, au moins, va donner lieu à des débats acharnés : celui de la prime à la mobilité pour aider les personnes à financer leurs trajets domicile-lieu de travail. Plusieurs confédérations de salariés plaident pour qu’un tel dispositif devienne obligatoire ; le patronat, lui, s’y oppose, privilégiant des solutions au cas par cas, sur la base du volontariat et d’accords collectifs. A ce stade, rien n’est tranché, ce qui a beaucoup déçu Pierre Cannet, le représentant de World Wide Fund-France : « Nous ne pouvons pas imaginer que cela soit bloqué par un refus, par exemple, du Medef », a-t-il dit.