Romain Gary, à qui un journaliste demandait s’il se sentait plus français que russe ou vice versa, avait fait cette réponse : « Ma patrie, c’est la France libre. » Nous devons beaucoup à Romain Gary, aviateur, écrivain sensible, élégant, facétieux et compagnon de la Libération. Nous devons beaucoup à Daniel Cordier. De son appartement face à la mer, à Cannes, inlassablement, il continue, à 98 ans, à répéter aux visiteurs qui recueillent ses paroles, comme un hymne au courage et à la liberté, le même discours avec sa voix malicieuse. Il fallait se soulever en juin 1940 et rejoindre Londres, ou trouver n’importe quel moyen pour résister. Oui, Jean Moulin, dont il fut le secrétaire, a accompli une immense tâche en unifiant la Résistance sous la direction du général de Gaulle.

Cordier est devenu historien pour défendre l’honneur de son « patron », il est compagnon de la Libération. Un des quatre qui restent avec Hubert Germain, Pierre Simonet et Edgard Tupët-Thomé.

Transmission de valeurs

Mais nous devons également beaucoup aux résistants inconnus que leurs familles redécouvrent aujourd’hui, aux étrangers qui se sont battus pour la France et qui ont été bien oubliés dans la distribution des médailles, et aux femmes résistantes aussi. Nous en avons rencontré trois : Marie-José Chombart de Lauwe, jeune résistante bretonne arrêtée et déportée à Ravensbrück ; Michèle Agniel, qui est partie dans le dernier train qui a quitté Paris pour les camps allemands, dix jours avant la Libération ; Madeleine Riffaud, qui devait prendre ce même train, le 15 août 1944, arrêtée et torturée pour avoir exécuté un officier allemand, et qui s’est évadée pour reprendre le combat.

Les derniers acteurs de la Résistance et de la France libre disparaissent. En cette année du 75e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944 et des libérations des villes françaises, en premier lieu celle de Paris, le 25 août, la question de la transmission des valeurs de la Résistance occupe les dirigeants de plusieurs musées de la Résistance qui travaillent à rénover leur muséographie dans de nouveaux locaux. Le maillage de la France par les musées consacrés à la Résistance, à l’internement en France, à la déportation en Allemagne et, plus généralement, à la seconde guerre mondiale, est impressionnant, même s’il a mis très longtemps à se constituer. Les querelles entre les différentes mémoires de la Résistance se sont apaisées, les historiens continuent à ferrailler autour des interprétations mais sont d’accord sur l’essentiel : il faut se donner tous les moyens pour transmettre à la jeune génération, élèves du primaire, collégiens et lycéens, l’histoire et les valeurs de la Résistance. C’est l’objectif de ce nouveau hors-série du Monde.

« L’esprit de Résistance », un hors-série du Monde, 100 pages, 8,50 euros, en kiosque et sur boutique.lemonde.fr.