Emmanuel Macron, à l’Elysée, à Paris, le 6 mai. / LUDOVIC MARIN / AFP

Editorial du « Monde ». Le 7 mai 2017, un jeune trublion politique français se faisait élire président en pariant sur la refondation de l’Europe. En pleine vague eurosceptique, Emmanuel Macron avait fait campagne sous la bannière bleue étoilée de l’Union européenne, flottant dans ses meetings électoraux aux côtés du drapeau tricolore. L’espoir était européen. Affirmée avec panache, la conviction du candidat selon laquelle, dans la nouvelle donne mondiale, la France ne serait forte qu’au sein d’une Europe forte ouvrait de nouvelles perspectives au projet historique du XXe siècle.

Deux ans plus tard, le bilan est bien en deçà des espérances. Arrêté dans son élan par l’immobilisme allemand, M. Macron n’a pas su vaincre la frilosité des pays du Nord ni la méfiance de ceux d’Europe centrale pour obtenir un soutien crucial à son ambitieux programme. Il n’a pu progresser qu’à petits pas : si la directive sur les travailleurs détachés figure en tête de la liste des avancées réalisées, elle n’est pas à la hauteur des ambitions présidentielles en matière de lutte contre le dumping social.

De même, si M. Macron a réussi à obtenir, de haute lutte, la création d’un budget propre pour la zone euro, il a dû se contenter d’un maigre minimum. La France a marqué plus de points dans le domaine de la défense, mais, là aussi, l’objectif d’« une autonomie stratégique » pour l’Europe est encore hors d’atteinte.

Dimension existentielle

Dans un environnement difficile, dominé par le Brexit, le renversement politique au profit de l’extrême droite en Italie et le déclin de l’ère Merkel, il faut reconnaître au président Macron une remarquable constance dans son engagement européen. De son discours de candidat à la Porte de Versailles, à Paris, le 10 décembre 2016, à sa lettre aux citoyens d’Europe du 4 mars 2019, en passant par le discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017 et celui d’Aix-la-Chapelle du 10 mai 2018, depuis l’indispensable « refondation » de l’Union jusqu’à sa « renaissance » rêvée, le chef de l’Etat n’a pas fléchi dans son ambition de relancer le projet européen. Elle a à ses yeux une dimension existentielle pour une communauté d’Etats qui vit un moment de bascule et fait face à un choix draconien : renaître ou sombrer. Il n’a ménagé aucun effort pour renouveler cet avertissement, n’a hésité devant aucune dramatisation.

Emmanuel Macron : « Nous avons oublié de défendre l’Europe »
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Il n’a, malheureusement, pas été entendu. Le large succès d’estime dont son propos a joui parmi les dirigeants européens dans les mois qui ont suivi son élection a vite été effacé par les égoïsmes nationaux et les traditionnelles suspicions sur les arrière-pensées françaises.

M. Macron, pour sa part, a failli dans la méthode. Ayant tout misé sur le moteur franco-allemand, il a attendu trop longtemps une réponse de Berlin à ses propositions de la Sorbonne. Elle n’est jamais venue. Le président français a bien entrepris une tournée pour se chercher d’autres alliés, mais sans réunir de coalition. Comme sur la scène nationale, il a parfois heurté ses partenaires par des formules arrogantes. Il s’est retrouvé isolé. Puis la longue crise des « gilets jaunes » a considérablement réduit sa capacité de leadership en Europe.

Tout n’est pas perdu. M. Macron a stimulé le débat sur la taxation du numérique, le libre-échange à l’heure du changement climatique, l’intégration de la zone euro et la défense européenne. L’enjeu des élections au Parlement européen est énorme : elles peuvent lui permettre de rebondir en corrigeant ses erreurs. Ou non.