Juridiquement parlant, la députée LRM de Manosque, Emmanuelle Fontaine-Domeizel, n’a pas été intimidée. C’est ce qu’il ressort du jugement du tribunal correctionnel de Digne-les-Bains, qui avait à juger, mardi 7 mai, les poursuites engagées par le parquet contre Laurent, un « gilet jaune » de 46 ans, poursuivi pour intimidation et provocation à la rébellion à l’égard de l’élue de la deuxième circonscription des Alpes-de-Haute-Provence, partie civile.

Par deux fois au moins, ce charpentier-couvreur-zingueur intérimaire, qui se présente comme un « orateur des “gilets jaunes” » et animateur sur les réseaux sociaux d’un groupe baptisé « Les abeilles citoyennes », était allé à la rencontre de la députée de manière inopinée. La première fois le 5 février, à Seyne-les-Alpes, où, après une réunion du grand débat, il l’avait interpellée pour lui présenter la « lettre de destitution » à laquelle il souhaitait la soumettre.

La seconde fois, le 29 mars, à la sortie d’une école primaire qu’elle venait de visiter à Sisteron, où il lui lança dans un propos peu amène : « Toujours, vous nous aurez sur le dos. Il n’y aura bientôt plus que les gendarmes et la police pour vous protéger. » Enfin, il était reproché au prévenu, interpellé le 2 mai et placé en détention provisoire aux Baumettes à Marseille après quarante-huit heures de garde à vue, d’avoir, dans un échange entre « gilets jaunes » sur son compte Facebook, appelé à manifester devant son domicile en ces termes :

« A se faire gazer, à se faire matraquer, à faire la guerre aux Bleus, autant que ça se passe devant chez eux (les députés), comme ça ils s’en prendront plein la gueule, leurs familles aussi. »

Flirt avec la limite

Dénonçant des « appels à la violence inadmissibles à l’égard d’une élue de la nation », le procureur de la République a requis un an d’emprisonnement avec sursis. Après une demi-heure de délibérations, le tribunal a prononcé la relaxe pleine et entière du prévenu, estimant que le délit d’intimidation n’était « pas constitué » – Mme Fontaine-Domeizel ayant poursuivi ses activités de député, malgré la crainte qu’elle avait pu ressentir – pas plus que le délit de provocation, qui n’a pas été suivi d’actes de violence. Et cela quand bien même la députée fut-elle moralement atteinte, la présidente du tribunal allant jusqu’à préciser que le prévenu avait flirté avec la limite.

A l’annonce du jugement, la bonne cinquantaine de « gilets jaunes » venus soutenir le prévenu – dont la moitié, qui n’avait pas pu pénétrer dans la salle d’audience, faute de place, attendait à l’extérieur du tribunal – a scandé longuement le prénom de son « champion » « Laurent ! Laurent ! » – avant de lancer le cri de ralliement popularisé par les manifestions : « Ahou ! Ahou ! »

« Gilets jaunes » : d’où vient le « Ahou ! » chanté dans les manifestations ?
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