L’avis du « Monde » - à voir

Plus une semaine ne passe sans que débarque sur les écrans un énième portrait d’adolescent, devenu la discipline maîtresse du jeune cinéma d’auteur, et même un genre à part entière avec ses figures et passages obligés, entre errements juvéniles et quêtes d’indépendance, premières amours et virées en boîte de nuit, traçant toujours le même sillon initiatique. Passer ces films en revue (Ava de Léa Mysius, Crache cœur de Julia Kowalski, Genèse de Philippe Lesage, etc.) tournerait vite au jeu des sept erreurs, si certains ne sortaient parfois du lot, peut-être moins pour leur originalité que pour l’alchimie particulière avec laquelle ils brassent, inlassablement, les mêmes éléments.

C’est le cas des Météorites, premier long-métrage de Romain Laguna, né en 1986 et formé à la Fémis, qui, sans se départir complètement d’un sentiment de déjà-vu, retient immédiatement l’attention par son enracinement dans un territoire – l’Occitanie, et plus particulièrement l’Hérault, le réalisateur étant originaire de la ville de Béziers –, mais aussi par le bouquet de sensations telluriques, minérales, primitives qui se dégagent de ses splendides paysages rocailleux.

Nina (Zéa Duprez), 16 ans, vient de lâcher le lycée et, pendant l’été, travaille dans un parc à thème consacré aux dinosaures, aux côtés d’une jeune fille d’origine algérienne, nommée Djamila (Oumaima Lyamouri). Le reste du temps, elle traîne seule, ou avec son meilleur ami, Alex (Nathan Le Graciet), fils de vigneron qui vient de s’engager dans l’armée. Un soir, elle voit passer dans le ciel une météorite qui semble s’échouer derrière les cimes du mont Caroux. Vision dont les effets ne se font pas attendre : le lendemain, elle rencontre Morad (Billal Agab), le frère de Djamila, petit dealeur à l’abord fier et insolent dont elle tombe amoureuse. En dépit des mises en garde de ses proches, Nina fonce tête baissée dans cette relation instable et cahoteuse, voulant croire obstinément au bon augure de la météorite.

Une jeunesse hors des cursus sociaux

Rivé au personnage de Nina, le film partage aussi bien son indétermination que la temporalité flottante dans laquelle elle évolue. Il dresse ainsi le portrait d’une jeunesse hors des cursus sociaux (la relation amoureuse mixte), sans horizon (pas d’études, pas de travail), délaissée par les adultes (la mère transparente de Nina, le père absent de Morad), mais entretenant du même coup un rapport privilégié au présent, à l’instant. Rien ici de fondamentalement novateur, certes, mais un véritable regard, sachant restituer les topographies rurales et les solitudes escarpées, tout en verticalité, et s’abandonner parfois à l’imaginaire (les visions nocturnes de Nina – astres et dinosaures –, qui renvoient à un monde primitif et pulsionnel). La précision des cadres, la vivacité des couleurs, la mordorure des lumières couchantes et rasantes aiguisent les perceptions, contribuent à rendre la fiction palpable, fourmillante de sensations.

Nina fonce tête baissée dans cette relation instable et cahoteuse, voulant croire obstinément au bon augure de la météorite

En général, un portrait ne devient véritablement intéressant que lorsqu’il déborde de son cadre et que transparaît quelque chose de la relation bilatérale qui unit l’artiste et son modèle. C’est précisément ce qui se produit dans Les Météorites : Romain Laguna ne lâche pas d’une semelle sa jeune comédienne Zéa Duprez, quasiment de tous les plans, pour laquelle il semble éprouver une véritable fascination, et qui renvoie à son tour une présence dense et magnétique.

Le film peut ainsi se voir à un degré supérieur, par-dessus une fiction parfois convenue, comme un portrait de l’actrice elle-même, une étude de ses gestes et postures, de ses façons de se mouvoir, de ses expressions. La météorite, c’est elle, qui traverse les plans en y déposant son empreinte poivrée, une traînée de lumière noire (dès la première image, on la découvre courant à perdre haleine sur un pont pour attraper son bus). Chose étonnante : l’actrice arbore une tache de vin sur le visage, dont la forme fait par moments penser au cratère d’une météorite échouée. Brune basaltique et roc insécable, c’est d’elle qu’émane toute la puissance minérale de ce film amoureux.

LES MÉTÉORITES - Bande annonce
Durée : 01:43

Film français de Romain Laguna. Avec Zéa Duprez, Billal Agab, Oumaima Lyamouri, Nathan Le Graciet (1 h 25). Sur le Web : lesfilmsduclan.com/page/fiche-de-film/3990_les-reptiles.html