Mohamed Salah (deuxième en partant de la gauche), Jürgen Klopp et Virgil Van Dijk, le 7 mai, à Liverpool. / PAUL ELLIS / AFP

« C’est une soirée spéciale ! » Jürgen Klopp n’en revenait toujours pas, mardi soir au moment de réagir à la folle victoire du Liverpool FC contre le FC Barcelone, en demi-finales de la Ligue des champions, lors de laquelle ses Reds ont littéralement renversé l’ogre catalan, vainqueur 3-0 à l’aller, éparpillé 4-0 au retour dans un stade d’Anfield en ébullition.

« Gagner contre Barcelone, c’est l’une des choses plus dures du football. Rendre une performance comme ça sur le terrain, c’est incroyable. Je suis tellement fier d’être le manager de cette équipe. Je vais m’en rappeler toute ma vie, 100 % certain », a continué le coach allemand, sur son nuage rouge, et dont le management a certainement frisé la perfection à l’heure d’organiser et de motiver ses troupes privées au coup d’envoi de ses deux stars, Mohamed Salah et Roberto Firmino. Ce que n’a pas manqué de relever José Mourinho, qui a rendu hommage à Klopp lors d’une interview sur la chaîne BeIN Sports : ce match « est à l’image de sa personnalité : ne jamais abandonner, être toujours dans un esprit combatif ». « Je crois que tout a été ce soir à l’image de la mentalité de Jürgen. »

Un Klopp qui a préféré jouer collectif : « Si je devais définir ce club, c’est un gros cœur. Et le cœur du club a battu comme un fou. On a dû le ressentir dans le monde entier. Je suis heureux que les gens aient pu vivre cette expérience. » Laquelle s’est terminée par un You’ll Never Walk Alone, l’hymne des supporteurs liverpuldiens, qui restera dans les mémoires, notamment de la légende des Reds Kenny Dalglish, triple champion d’Europe (1978, 1981 et 1984), les larmes aux yeux.

Le quatrième but, « du génie ! »

Si ce sont deux remplaçants du match aller, Divock Origi et Georginio Wijnaldum, auteur chacun d’un improbable doublé, qui sont devenus les héros du retour, l’éclair de génie n’est pas venu de Lionel Messi mais du jeune latéral anglais Trent Alexander-Arnold, deux passes décisives dans cette rencontre, dont l’une confine à l’illumination. Alors qu’il vient d’obtenir un corner, il lève la tête, observe le placement de la défense barcelonaise, qui pense à autre chose, s’éloigne du ballon pour faire mine de le laisser à un partenaire, puis virevolte sur lui-même pour servir d’un centre tendu Divock Origi, complètement seul dans la surface. Le Belge ajuste Ter Stegen, 4-0 pour Liverpool, explosion de joie mêlée d’incompréhension devant le surgissement de l’inattendu.

« Je n’ai même pas vu le quatrième but. J’ai juste vu le ballon dans le filet, c’était trop rapide. Du génie ! », s’est exclamé Jürgen Klopp, tandis que le journaliste du Guardian, Barney Ronay, s’en amuse, avec un zeste d’admiration : « Le geste qui a tué le match est venu d’ailleurs ; il était froid ; il était sans pitié ; il était, ne le dites pas trop fort… très drôle. » L’intéressé a ensuite expliqué son inspiration de manière plus prosaïque : « Je pense que c’était juste de l’instinct. C’était un de ces moments où une opportunité s’ouvre à vous, et il était évident que “Div” [Origi] était idéalement placé pour conclure. »

« Le plus grand ridicule de l’histoire »

« Génie » d’un côté, « ridicule » de l’autre. La presse espagnole ne manquait pas, mercredi matin, de pointer l’incroyable relâchement des Barcelonais lors de cette action décisive. « Le but du 4-0, une action ridicule sur un corner, est l’épitaphe d’une équipe qui a reproduit l’élimination de Rome » un an plus tôt en quarts de finale (4-1, 0-3), souligne par exemple Mundo Deportivo, le journal sportif barcelonais.

« Sur ce quatrième but, nous avons défendu comme des écoliers, pestait, de son côté, l’attaquant du Barça, Luis Suarez. Nous devons nous préparer à l’avalanche de critiques qui va nous tomber dessus. » Fait rare, le quotidien catalan Sport n’a orné mercredi matin sa « une » d’aucune photo, préférant un titre en grands caractères sur fond noir de deuil – « le plus grand ridicule de l’histoire » –, estimant que « le Barça écrit sa page la plus sombre en étant éliminé de la Ligue des champions de manière impardonnable à Anfield ».

« Le football est comme ça », a sobrement relevé le technicien espagnol Ernesto Valverde, qui s’est dit « dévasté ». « Rien n’est jamais acquis, on savait ce qui pouvait se passer. Nous avons eu l’opportunité de marquer un but, mais nous ne l’avons pas fait, et eux ont converti leurs occasions. » Valverde ne pouvait qu’être lucide sur la performance cataclysmique de son équipe : « Ils ont été supérieurs, et ont réussi à se qualifier. Il fallait être plus fort. »

La terrible désillusion barcelonaise a, par ricochets, fait quelques joyeux du côté des supporteurs parisiens, qui s’y connaissent en renversement de situation, encore sous le choc de la remontada subie en 2016 contre les Catalans (4-0, 1-6). « La remontada n’appartient plus au PSG. Elle appartient à Barcelone et ça n’est pas plus mal », a ainsi lancé Jérôme Rothen, consultant RMC Sport et ancien joueur parisien, quand d’autres renvoyaient le gardien allemand du FC Barcelone, Marc-André Ter Stegen, dans ses propres filets. Le 15 avril, avant le quart de finale retour contre Manchester United, qui venait d’éliminer le PSG, Ter Stegen avait balayé l’éventualité d’une remontada mancunienne avec un argument implacable : « nous ne sommes pas le PSG », ni le Liverpool FC.