Le parc national de la Pendjarin, dans le nord du Bénin, en janvier 2018. / STEFAN HEUNIS / AFP

Les recherches se poursuivent pour retrouver les deux touristes français disparus depuis le 1er mai alors qu’ils étaient en vacances dans le parc de la Pendjari, au Bénin, et dont on est toujours sans nouvelles. Si personne ne parle encore officiellement d’enlèvement et qu’il n’y a eu aucune revendication, plusieurs éléments semblent corroborer cette hypothèse, dans une région frontalière du Burkina Faso, où opèrent de nombreux groupes armés et djihadistes.

Les deux touristes étaient partis en safari dans le parc de la Pendjari, l’un des derniers sanctuaires de la vie sauvage en Afrique de l’Ouest, qui s’étend sur près de 5 000 km le long de la frontière burkinabée. Attendus dans la soirée au lodge où ils devaient séjourner, ils ne sont jamais revenus. Très peu de détails ont jusque-là émergé sur le déroulement précis des événements, et, une semaine après leur disparition, des sources gouvernementales béninoises continuent d’affirmer qu’« aucune hypothèse ne peut être écartée ».

Mort du guide

Le cadavre de leur guide béninois, Fiacre Gbédji, très abîmé, a été retrouvé samedi matin dans le parc. Son identité a pu être formellement identifiée par un médecin légiste et sa famille, qui a notamment reconnu son pantalon. En revanche, « impossible de savoir s’il a été tué par balle, par arme blanche ou par autre chose ; le corps était dans un état de dégradation très avancée », ayant été dévoré par des charognards, a confié une source gouvernementale béninoise à l’AFP.

Un véhicule Toyota blanc similaire à celui dans lequel circulaient les deux touristes a par ailleurs été retrouvé incendié à quelques dizaines de kilomètres de là, dans l’est du Burkina, selon des sources sécuritaires et politiques de la région, estimant que « la thèse d’un enlèvement se précise ».

Les deux Français disparus sont des touristes venus passer une dizaine de jours au Bénin. La Pendjari était la dernière étape de leur séjour, après avoir visité les sites touristiques d’Abomey et Ouidah, dans le sud du pays. Ils devaient s’envoler pour Paris dimanche soir, selon des sources locales. L’un des deux hommes, âgé d’une cinquantaine d’années, est un commerçant installé à Paris. Il est originaire de Barenton (département de la Manche), où vit sa famille, qui est en contact avec le Quai d’Orsay, a déclaré à l’AFP une adjointe au maire de la commune, Thérèse Pottier. L’autre, la quarantaine, est un professeur de musique et chef d’orchestre travaillant en grande banlieue parisienne.

« Pluie de feu »

Le Bénin, longtemps épargné par le terrorisme, fait figure de havre de paix en Afrique de l’Ouest, région mouvementée où prolifèrent les groupes armés, notamment djihadistes et criminels. Sur son site, le Quai d’Orsay déconseillait toutefois formellement aux voyageurs de se déplacer dans l’extrême-nord du Bénin, frontalier du Burkina et du Niger, « compte tenu de la présence de groupes armés terroristes et du risque d’enlèvement ».

« La menace était réelle dans ce parc, étant donné sa proximité avec l’est du Burkina, en proie à des attaques armées récurrentes depuis février 2018 », estime Rinaldo Depagne, directeur pour l’Afrique de l’Ouest à l’International Crisis Group (ICG). Le parc du W, au Burkina, proche de la Pendjari, avait déjà fait l’objet d’une tentative d’implantation de groupes djihadistes, fin 2015, qui a finalement échoué. » Parmi les groupes armés opérant dans l’est du Burkina, « le plus actif à l’heure actuelle dans cette région serait l’Etat islamique dans le Grand Sahara [EIGS] », poursuit le chercheur.

L’armée burkinabée a lancé, début mars, une opération baptisée « Otapuanu » (« pluie de feu ») visant à « restaurer l’autorité de l’Etat » dans cette région tombée aux mains des djihadistes, où des milliers d’écoles ont fermé. Une centaine de « terroristes » ont ainsi été interpellés et sept soldats ont été tués en un mois, selon l’armée. Au Burkina, 90 % des attaques ne sont pas revendiquées. La plupart ont été attribuées à l’EIGS, à Ansaroul Islam ou au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), mais une dizaine d’autres groupes, plus petits et sans doute moins structurés, opèrent également.

Si l’hypothèse d’un enlèvement se confirmait, on ne peut donc pas non plus exclure qu’il soit le fait d’un « sous-groupe, voire de bandits opportunistes qui pourraient vouloir revendre les otages à une organisation plus importante, sachant leur valeur marchande », ajoute M. Depagne. Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute, basé à Dakar, estime qu’« une telle opération nécessiterait un soutien logistique important » de groupes chevronnés, pour pouvoir ensuite exfiltrer les otages au Burkina ou au Mali, « épicentre du jihadisme » dans le Sahel.