La célébration des joueurs de Tottenham après leur qualification épique pour la finale, à Amsterdam, le 8 mai. / Peter Dejong / AP

« Thank you football ». Parfois, des mots simples suffisent. Ce sont les premiers qui sont sortis de la bouche de Mauricio Pochettino, l’entraîneur de Tottenham, après la qualification historique et héroïque de son équipe pour la finale de la Ligue des champions, mercredi 8 mai, face à l’Ajax Amsterdam. Les Spurs se sont imposés (3-2) au terme d’un match épique, alors qu’ils étaient menés de deux buts à la mi-temps, et après avoir perdu le match aller (1-0). Les émotions nées la veille de la folle « Redmontada » de Liverpool face au FC Barcelone (victoire 4-0, après une défaite 3-0 à l’aller) étaient à peine retombées que le cœur des amateurs de football s’est remis à battre très fort.

Les deux clubs anglais se retrouveront en finale de la Ligue des champions le 1er juin à Madrid, apothéose d’un cru 2018-2019 dont la phase finale restera comme l’une des meilleures de l’histoire de cette compétition. Marquée par des matchs d’anthologie, de folles remontées, et une épopée inachevée, celle de l’Ajax Amsterdam.

« Je ne peux pas me souvenir d’un match comme ça »

Les Hollandais ont été les premiers à faire sentir aux amateurs de football que cette saison serait particulière. Le 5 mars, ils éliminent en huitièmes de finales le Real Madrid, triple tenant du titre, grâce à un éclatant succès 4 à 1 à Bernabeu. Les jeunes et brillants Lanciers se révèlent aux yeux du monde.

Le lendemain, le PSG se fait sortir par une équipe B de Manchester United sur un penalty concédé à la dernière seconde, en dépit d’un probant succès acquis au match aller sur la pelouse d’Old Trafford (2-0). Ce traumatisme ravive les douloureux souvenirs de la remontada face au FC Barcelone en 2017.

Toujours en huitièmes de finale, la Juventus Turin rattrape un retard de deux buts face à l’Atlético Madrid de Diego Simeone, pourtant particulièrement compliqué à déstabiliser, grâce à un triplé fracassant de Cristiano Ronaldo. Le 17 avril, le public assiste à un quart de finale retour de légende entre Manchester City et Tottenham. Quatre buts sont marqués durant les onze premières minutes de jeu. Le dernier de la rencontre, celui du 4-3 offrant la qualification à Manchester City, au bout du temps additionnel, est finalement refusé après intervention de la VAR.

N’en jetez plus ? Il reste les demi-finales. Liverpool battu à l’aller 3 à 0 par le FC Barcelone, et qui se présente sans son maître à jouer Mohamed Salah et son attaquant Firmino, renverse le club catalan. Le « You’ll never walk alone » repris par les Reds face à leur Kop à l’issue du match donne des frissons aux plus frigides. « On joue pour ces moments, c’est quelque chose d’incroyable, de très émouvant, déclare Jurgen Klopp après la rencontre. Ça fait 19 ans que je suis entraîneur et je ne peux pas me souvenir d’un match comme ça. »

La « banalisation » des remontadas

Les fans de ballon rond non plus. Si les retournements de situation ont jalonné l’histoire du foot, ils se sont intensifiés ces deux dernières années, avec notamment celle de la Roma face au Barça en 2018, et celle des Catalans face au PSG en 2017, jusqu’à se « banaliser » cette saison.

Comment l’expliquer, sachant que l’irrationalité est aussi propre à ce sport ? Pour José Mourinho, l’entraîneur aux deux Ligue des champions, le rôle du coach est évidemment central. Le succès de Jurgen Klopp ne s’expliquerait pas, selon lui, par la « tactique » ou la « philosophie », mais par le « cœur », « l’âme » et la « fantastique empathie qu’il a créée avec ce groupe de joueurs. » Méthode Coué et force mentale sont indispensables.

Il y a bien un modèle qui se dégage dans les équipes qui arrivent à inverser la tendance. Il repose sur plusieurs critères, exposés notamment sur le site d’Eurosport par Christophe Kuchly, coauteur de l’ouvrage « Comment regarder un match de foot ? Les clés du jeu décryptées ». Presser haut sur le terrain, oser se réinventer, avoir des joueurs au service des idées et des vrais coups de coaching.

« Si les causes psychologiques, si importantes mais impossibles à quantifier, font évidemment partie de l’équation [..] tôt ou tard, les all in offensifs, même avec une bonne part de bluff, finissent par payer. » Le but précoce est ainsi un dénominateur commun de ces rencontres.

Les espoirs d’une finale entre Liverpool et l’Ajax - revival des années 70 que la majorité des amateurs de football attendait - se sont donc envolés. Pour retrouver un duel que personne n’attendait, entre clubs anglais, après cinq ans de domination espagnole.

Ce choc 100 % Premier League sera le second de l’histoire après celui remporté par Manchester United contre Chelsea en 2008. En plein Brexit, comme pour singulariser encore plus cette édition 2018-2019 de la Ligue des champions dont les demi-finales ont atteint leur climax de dramaturgie.

Ironie de l’histoire, ces deux matchs retours se sont déroulés en même temps que les discussions autour du projet de réforme de la Ligue des champions. Une ligue en circuit fermé déroulant le tapis rouge aux clubs les plus puissants du continent européen. Un séisme au sein du football européen. La compétition ne s’est pourtant jamais si bien portée.