Lucas Moura célèbre la qualification de Tottenham sur la pelouse de l’Ajax Amsterdam, jeudi 08 mai. / PIROSCHKA VAN DE WOUW / REUTERS

On aurait donné une montagne d’or pour regarder la deuxième période d’Ajax Amsterdam-Tottenham, demi-finale retour de Ligue des champions, dans le moelleux du canapé de Nasser Al-Khelaïfi. Avec le président d’un Paris Saint-Germain en nervous breakdown, on aurait devisé du repositionnement des ailiers en attaquant de soutien, de l’imprévisibilité des trajectoires de carrière et des possibilités d’adaptation d’un évangéliste brésilien dans le nord de Londres. On aurait parlé de Lucas Moura.

Durant cinq ans à Paris, l’attaquant brésilien a laissé le souvenir d’un talent insaisissable, irrégulier, faisant rarement le bon choix mais plutôt réaliste devant le but. Un joueur d’appoint, heureux d’être là mais dont la trace la plus mémorable demeure la popularisation de l’expression « Champion, mon frère ! », à une époque où l’air du club de la capitale semblait plus léger.

CHAMPION MON FRERE - LUCAS
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Mercredi soir, Lucas Moura a fait en sorte de laisser une trace plus concrète à Tottenham, qui l’avait sorti de l’ornière en rachetant son contrat en janvier 2018. Il a inscrit un triplé en deuxième période à la Johan Cruyff ArenA, trois buts sollicitant des qualités différentes de sa panoplie : vitesse fulgurante sur le premier, toucher de balle précis sur le deuxième, détermination et précision sur le troisième, inscrit à la 96è minute et envoyant les Spurs en finale de Ligue des champions pour la première fois de leur histoire.

Dans le stade qui se souvient des plus beaux cheveux longs de l’histoire du football, c’est un chauve de 26 ans qui est reparti avec les lauriers.

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« Je savais que je pouvais jouer dans un grand club »

Parce que Georgino Wijnaldum et Divock Origi sont passés avant lui, la veille (permettant à Liverpool de renverser Barcelone), Lucas Moura n’est pas le plus improbable des héros de ces demi-finales de Ligue des champions.

Mais s’il avait fallu citer trois joueurs de Tottenham capables de renverser l’Ajax Amsterdam, le Brésilien serait arrivé quatrième.

Il en faudra un peu plus pour obtenir la statue qu’a réclamée pour lui son coéquipier danois Christian Eriksen. Mais ces trois buts décisifs concrétisent la résurrection d’un joueur qui, il y a un an et demi, semblait ne jamais devoir disputer de finale de Ligue des champions.

« J’ai toujours cru en mes qualités, je savais que je pouvais jouer dans un grand club », a-t-il dit après la rencontre, ce qui est soit un tacle glissé à son ancien employeur, soit un révélateur de la dégradation de l’image du PSG en Europe, sans doute un peu des deux.

Ensuite, l’ancien enfant prodige du football brésilien a traversé la zone mixte de la Johan Cruyff ArenA les yeux humides et lesté d’un ballon dans un filet, souvenir réservé aux auteurs d’un triplé.

Les six derniers mois de 2017 avaient été pour lui catastrophiques. Non-sélection avec le Brésil pour la Coupe du monde, relégation sur le banc ou en tribunes avec le PSG pour qui il joua à peine plus d’une heure en cinq mois après les arrivées de Neymar et Kylian Mbappé. Les récriminations publiques des Brésiliens du vestiaire n’y changeaient rien : Unaï Emery semblait bouder celui qui était, la saison précédente, son joueur le plus utilisé (53 matches).

Accueil froid

Les mots d’accueil de Mauricio Pocchetino, fin janvier 2018, n’auguraient pas du meilleur pour l’ancien gamin de Sao Paulo. Interrogé sur le fait de savoir si l’arrivée du Brésilien était « excitante », l’entraîneur argentin avait répondu : « Excitante ? Non. On a recruté un joueur qui n’a pas joué depuis six ou sept mois. (…) Il doit apprendre à connaître les joueurs, le championnat, une nouvelle philosophie, une nouvelle équipe. Beaucoup de joueurs ont eu besoin de temps ici. (…) Il faut prouver chaque jour que vous méritez de jouer ou d’être dans un club comme le nôtre. Il ne va pas arriver ici et dire : “Je suis Lucas Moura et je viens du Paris Saint-Germain, je vais jouer”. Il doit prouver qu’il est meilleur que nos joueurs. »

On a connu pot d’accueil plus chaleureux, mais Lucas Moura a fait ce que Pocchetino réclamait : travailler en silence et gagner sa place progressivement, en montrant sa détermination les quelques fois où l’Argentin lui laissait sa chance. Cette saison, Lucas a été replacé dans un rôle de deuxième attaquant, le plus souvent en soutien de Harry Kane. Davantage présent dans la surface de réparation, il tire aussi davantage au but qu’à son époque parisienne.

Son duo d’attaque avec le Sud-Coréen Son Heung-Min, en l’absence de l’attaquant anglais, n’était pas le plus excitant du dernier carré européen. Il a pourtant été le plus efficace. Lucas jouera la finale de la Ligue des champions, et Serge Aurier, parti en catimini de la capitale le 31 août 2017, également.

Ce jeudi soir, leurs anciens coéquipiers Kevin Trapp (Francfort) et Gonçalo Guedes (Valence) jouent une place en finale de Ligue Europa, comme l’entraîneur Unaï Emery (Arsenal). Que Nasser Al-Khelaïfi garde ses nerfs : samedi, son club se déplace à Angers.