La secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, lors d’un meeting à Kolea, en Algérie, le 8 avril 2014. / FAROUK BATICHE / AFP

En Algérie, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) a été écrouée, jeudi 9 mai, à l’issue de son audition par la justice militaire, dans le cadre d’une enquête pour complots contre l’Etat et l’armée visant le frère du chef de l’Etat déchu, selon un responsable du PT. Louisa Hanoune « a été placée en détention provisoire », a déclaré à l’AFP le député Ramdane Youssef Tazibt, membre du bureau politique du PT, précisant ne pas connaître les chefs d’inculpation qui lui ont été signifiés.

« Elle a été convoquée comme témoin en lien avec les responsables arrêtés ces derniers jours [Saïd Bouteflika, frère du président déchu Abdelaziz Bouteflika, et deux anciens puissants patrons des services de renseignements] et elle se retrouve à son tour arrêtée », a-t-il ajouté. Mme Hanoune est « la première responsable politique à subir une telle dérive » de la justice algérienne, a-t-il dénoncé.

La télévision nationale avait montré à la mi-journée Louisa Hanoune, candidate aux trois derniers scrutins présidentiels, arrivant seule au tribunal militaire de Blida (40 km au sud d’Alger), où elle avait été convoquée par un juge d’instruction militaire. La télévision n’avait pas précisé sous quel statut elle était convoquée, mais son parti avait affirmé qu’elle l’était en tant que « témoin ».

Pour le PT, parti d’inspiration trotskiste fondé en 1990 lors de l’ouverture au multipartisme, cette incarcération est « une dérive gravissime, un acte de criminalisation de l’action politique indépendante et l’expression d’une volonté de mise au pas des militants ». « Il s’agit là d’une mesure contre le peuple algérien et sa mobilisation révolutionnaire entamée depuis le 22 février », a ajouté le parti de Mme Hanoune dans un communiqué publié dans la soirée sur sa page Facebook.

Accusée de faire le jeu du « système »

Le tribunal militaire de Blida avait placé en détention provisoire, le 5 mai, Saïd Bouteflika et les généraux Mohamed Mediene, dit « Toufik », et Athmane Tartag, dit « Bachir », après les avoir tous trois inculpés d’« atteinte à l’autorité de l’armée » et de « complot contre l’autorité de l’Etat », sans rendre publics les faits qui leur sont reprochés.

Saïd Bouteflika a été longtemps vu comme un « président bis », accusé depuis des années d’avoir accaparé le pouvoir à mesure que déclinait la santé de son frère. Considéré durant sa carrière comme un des hommes les plus puissants d’Algérie, « Toufik » a été durant vingt-cinq ans le chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), jusqu’à sa mise à la retraite en 2015. « Bachir », son adjoint, lui avait succédé à la tête d’une nouvelle structure issue du DRS, démantelé.

Députée depuis 1997 et décrite comme une pasionaria, Mme Hanoune a été candidate aux élections présidentielles de 2004, 2009 et 2014, toutes remportées au premier tour avec plus de 80 % des votes par Abdelaziz Bouteflika. Elle a obtenu son meilleur score en 2009, en arrivant en deuxième position avec 4,22 % des voix, et n’a rassemblé que 1 % puis 1,37 % des suffrages en 2004 et 2014.

Sous couvert d’opposition virulente, Mme Hanoune a été accusée par ses détracteurs, dont une partie du mouvement actuel de contestation populaire contre le régime, de faire le jeu du « système » en participant aux élections, jugées largement frauduleuses, et en ménageant ses critiques contre le président Bouteflika.