Des rebelles houthistes devant le port d’Hodeida. / ABDULJABBAR ZEYAD / REUTERS

Les rebelles houthistes ont commencé, samedi 11 mai, à retirer des forces du port d’Hodeïda, le premier du Yémen, ainsi que du port secondaire de Salif et du terminal pétrolier de Rass Issa voisins, sous l’œil d’observateurs des Nations unies. Ce retrait, le premier jamais consenti par les rebelles, pourrait prendre quatre jours, dans le meilleur des cas. Il mettrait un terme à des mois de blocage, depuis les négociations de Stockholm menées sous l’égide de l’ONU, en décembre 2018.

Cet accord s’était enlisé dans d’impossibles mécanismes d’agrément entre rebelles et forces pro-gouvernementales. Les houthistes ont fini par y renoncer en commençant à se retirer unilatéralement des installations portuaires, mais pas de la ville d’Hodeïda, comme initialement prévu. Les Nations unies espèrent pouvoir désormais assister la Compagnie des ports de la mer Rouge à gérer les installations, et doivent renforcer leurs contrôles sur les cargaisons. La coalition dirigée par l’Arabie saoudite, qui mène la guerre aux houthistes depuis mars 2015, craint que les rebelles n’acheminent des armes à travers ces ports, malgré le blocus partiel qu’elle leur impose.

« Hodeïda est la ligne de vie du Yémen du Nord, 20 millions de personnes dépendent de la nourriture, des médicaments et de l’essence qui arrivent par ce port, rappelle Lise Grande, coordinatrice des affaires humanitaires de l’ONU dans le pays. Nous espérons que ce retrait nous permettra d’aider les partenaires humanitaires à porter assistance à ceux qui en ont besoin pour survivre. »

« Mise en scène »

Le retrait a cependant été accueilli avec scepticisme par le gouvernement yéménite, qui demeure pour une large part en exil à Riyad. Celui-ci pariait depuis des mois sur le refus des houthistes d’appliquer l’accord. « Ce qui s’est passé aujourd’hui, c’est une mise en scène, un groupe de miliciens a quitté la ville et ils ont été remplacés par d’autres, vêtus d’habits appartenant aux garde-côtes », a ainsi affirmé à l’agence Reuters le ministre de l’information, Muammar al-Iryani. Le gouvernement a cependant montré sa bonne volonté, en relançant récemment le paiement des fonctionnaires œuvrant sous l’autorité des houthistes à Hodeïda, et en payant quatre mois de salaires aux employés des centres de soin du Nord rebelle.

« Si tout se passe selon le plan [de l’ONU], ce retrait sera un pas important, mais il faut souligner que la confiance entre les parties est quasiment inexistante », estimait Adam Baron, analyste au Conseil européen des affaires étrangères. A l’approche d’une réunion du Conseil de sécurité sur le Yémen, prévu la semaine prochaine, la coalition commençait à signaler sa volonté de relancer la bataille d’Hodeida, entamée en juin 2018 et mise en pause par Stockholm. Elle pourrait désormais retirer ses propres forces plus loin au sud du port, une fois le retrait des rebelles constaté.

Echaudée par plus de quatre mois d’attente depuis Stockholm, la coalition estime désormais nécessaire, selon un haut officiel du Golfe, de lancer des pourparlers plus substantiels, sans repasser par de nouveaux cessez-le-feu locaux. De fait, celui d’Hodeida a permis aux houthistes de redéployer leurs forces dans la province d’Al-Dhale (centre), où ils gagnent du terrain depuis plusieurs semaines. Ils y ont coupé la principale route reliant le Sud libéré du pays à la capitale, Sanaa. Les rebelles paraissent avoir bénéficié des divisions systématiques au sein des forces yéménites alliées à la coalition, notamment d’un retrait de groupes armés liés au parti Al-Islah, force tribale et affiliée au mouvement islamiste des frères musulmans.

Guerre au Yémen : pourquoi le pays est en train de disparaître
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