Les compositeurs Igor Stravinsky (droite) et Charles Ferdinand Ramuz en 1918. / © Fondation Theodore Stravinsky

ARTE - DIMANCHE 12 MAI - 23 H 45. DOCUMENTAIRE

Le titre de ce documentaire de Michel Van Zele, Les Aventures de « Histoire du soldat », qui s’intéresse à la géniale pièce de tréteaux d’Igor Stravinsky et Charles Ferdinand Ramuz, est bancal. Car on doit dire, rappelle un intervenant, « Histoire du soldat » et non « L’histoire du soldat », qu’on lit souvent sur des pochettes de disques.

L’œuvre – écrite en Suisse à la fin de la première guerre mondiale – a elle-même quelque chose de savamment bancal, de guingois, traversée par des rythmes asymétriques et des finesses d’écriture subtilement voilées par un ton terrien et populaire, qu’il s’agisse de la musique ou du texte littéraire.

Destinée à être « lue » (par trois récitants), « jouée » (par un petit ensemble de 7 musiciens, dont un violon, au centre du propos) et « dansée » (du moins mimée), Histoire du soldat est l’une de ces compositions qui ont marqué l’histoire et influencé d’autres œuvres. Sa nouveauté ne vient pas de rien : elle s’inspire des petits ensembles forains, du jazz band et des fanfares. Mais Histoire du Soldat fixe un ton, un son, un esprit dont se souviendront certains musiciens français de l’époque – on pense à Francis Poulenc et ses amis du Groupe des Six, qui adoraient le cirque Medrano et la musique populaire.

Ensembles forains, jazz band et fanfares

Le documentaire se veut très accessible et les deux chefs d’orchestre (suisses) interrogés s’efforcent de parler un langage qui n’effraiera pas le profane. Rien de bien sorcier non plus dans les explications de texte que viennent compléter des images d’archives et des extraits d’une mise en scène contemporaine (d’Alex Ollé), dont on se serait bien passé.

Mais alors que Georges Braque est évoqué, c’est plutôt de Picasso qu’il eut fallu dire que Stravinsky est l’équivalent en invention musicale : l’un comme l’autre ont traversé des périodes stylistiques diverses et sont restés géniaux quels que soient les langages empruntés.

D’ailleurs, Stravinsky, l’auteur de l’explosif Sacre du printemps (1913), allait, après Histoire du soldat, cristalliser un langage néo-classique inspiré par Bach et les musiciens baroques, que beaucoup d’artistes réfractaires aux préceptes du dodécaphonisme allaient emprunter. Avant que Stravinsky se convertisse à son tour à ce dodécaphonisme naguère honni…

Les Aventures de « Histoire du soldat », documentaire de Michel Van Zele (Fr./Sui., 2018, 53 min) Disponible jusqu’au 10 juin. www.arte.tv/les-aventures-de-histoire-du-soldat/