L’élan jeune dans les rues peut-il se poursuivre dans les urnes ? Depuis l’automne 2018, des milliers de collégiens, lycéens et étudiants se mobilisent en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Le militantisme de cette nouvelle génération ne pouvait pas, à l’approche des européennes, laisser de marbre les principales formations politiques hexagonales.

Intéresser la jeunesse aux élections européennes est un vrai défi. En 2014, lors du dernier scrutin européen, seulement 29 % des 18-24 ans s’étaient déplacés dans les bureaux de vote, contre 44 % pour l’ensemble du corps électoral français. « L’acte électoral n’est pas forcément l’alpha et l’oméga de la participation de la jeunesse », décrypte Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP. Selon lui, cet électorat possède « des réflexes politiques différents de ceux de leurs aînés ». Pour tenter d’attirer les jeunes électeurs, les grands partis ont donc choisi différentes méthodes.

  • LRM veut « traduire l’attachement des jeunes à l’Europe par un vote »

Pour le directeur de campagne de La République en marche (LRM), Stéphane Séjourné, l’enjeu des prochaines semaines sera « de montrer aux jeunes que certains partis ont une vocation européenne et d’autres non », afin de « parvenir à traduire leur attachement aux valeurs de l’Union européenne par un vote ». Le mouvement présidentiel mise sur plusieurs propositions spécifiquement tournées vers la nouvelle génération, dont « le triplement du budget d’Erasmus et le développement de l’Europe de la culture », en plus d’un programme présenté comme « entièrement tourné vers la transition écologique ». Avec l’ex-directeur de WWF Pascal Canfin et le transfuge d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) Pascal Durand en positions éligibles sur sa liste, LRM croit en effet dur comme fer en son crédit vert, qui pourrait séduire les jeunes qui se mobilisent.

  • Au RN, le localisme en fer de lance

« Les jeunes font part d’une forte désaffection pour l’Europe dans sa forme actuelle », explicite Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen. Le Rassemblement national (RN), parti historiquement eurosceptique, compte bien profiter de ce postulat pour y récupérer des voix. Pour verdir son programme, le RN met aussi régulièrement en avant le développement du localisme, une version identitaire de l’écologie se traduisant par « la détaxation des circuits courts et la réimplantation d’industries locales ». Tout en ne manquant pas d’insister sur la prise de distance avec des traités de libre-échange « qui autorisent des transactions sans normes » et de jouer la carte d’une « Europe des nations et des peuples ». Le 18 mai prochain, le parti d’extrême droite tiendra, par exemple, un meeting commun avec la Ligue de Matteo Salvini à Milan, où cette vision de l’Europe devrait être particulièrement invoquée et exposée.

  • LR mise sur le numérique

Pour attirer les jeunes, Les Républicains (LR) ont principalement axé leur stratégie sur le numérique. « Nous avons développé un chatbot qui permet de se renseigner sur notre programme et de connaître les événements à proximité », souligne le directeur de campagne du parti, le député européen Geoffroy Didier. Un outil qui s’ajoute, entre autres, à un blog sur Medium « présentant le programme en version simplifiée et des rendez-vous quotidiens » ainsi qu’à des vidéos « qui font la pédagogie des propositions » sur YouTube.

Dans le programme européen de LR, présenté le 16 mars, certaines de ces propositions sont justement orientées vers les jeunes générations, comme la volonté de renforcer Erasmus et de « transmettre aux jeunes le sens de la civilisation européenne ». Enfin, la présence en tête de liste de François-Xavier Bellamy, 33 ans, serait également un signe envoyé à la jeunesse, selon M. Didier : « Ceux qui pilotent cette campagne sont surtout des nouveaux visages. C’est le symbole du souhait de Laurent Wauquiez d’imposer une nouvelle droite. »

  • Chez LFI, « une grande activité dans les universités et les quartiers »

Dans son programme, La France insoumise (LFI) reprend certains des grands thèmes présentés il y a deux ans lors de la présidentielle, et potentiellement efficaces vis-à-vis des jeunes votants. Il en est ainsi, parmi d’autres, de l’allocation d’autonomie, qui serait versée durant un an « à chaque jeune européen entre 16 et 25 ans » afin que ceux-ci puissent « étudier, se former ou travailler dans un autre pays européen ».

« En ce moment, on développe davantage les thèmes généraux dans les lieux de jeunesse, plutôt qu’une innovation particulière en faveur des jeunes », nuance David Guiraud, porte-parole jeunesse du mouvement. Pour pousser les jeunes à voter, LFI a notamment mené une campagne d’inscription sur les listes électorales, en s’essayant, pour l’occasion, à de nouveaux modes de rassemblement. « Depuis le début de l’année, on a organisé plusieurs soirées jeunes, avec des jeux axés autour de la politique, affirme Aurélien Le Coq, membre de l’équipe d’animation du livret jeunesse. C’est un moyen beaucoup plus efficace d’attirer des jeunes que les réunions publiques. »

  • Chez EELV, « pas de discours spécifique orienté vers la jeunesse »

Mise en place d’un traité environnemental européen qui fait « de l’écologie la norme juridique supérieure », création d’une banque européenne du climat et de la biodiversité… Avec un programme entièrement tourné vers l’écologie, Europe écologie-Les Verts (EELV) est le choix privilégié par les 18-24 ans dans les sondages. A EELV, il n’y a pourtant pas de discours spécifique orienté vers la jeunesse. « Notre stratégie, c’est de ne pas avoir de stratégie jeune, explique un proche de Yannick Jadot. On refuse tout clientélisme électoral. »

  • Pour PP-PS, « tous les aspects du programme sont susceptibles d’intéresser la jeunesse »

L’alliance Place publique-Parti socialiste (PP-PS) souhaite replacer la jeunesse au cœur de la campagne européenne. « Nous avons remarqué que les sujets en rapport avec les jeunes n’étaient pas souvent abordés au cours des débats. Nous voulons donc porter un message fort sur le sujet. Tous les aspects du programme sont susceptibles d’intéresser la jeunesse », souligne une cadre du mouvement. Ces derniers mois, ses cofondateurs, l’essayiste Raphaël Glucksmann et la militante écologiste Claire Nouvian ont ainsi pris part à plusieurs manifestations aux côtés des jeunes. Parallèlement, le premier cité affirmait son ambition de créer « un service civique européen de la jeunesse », mesure dont les contours devraient être précisés dans un programme dévoilé dans les prochains jours.