La Cour suprême des Etats-Unis a infligé, lundi 13 mai, un camouflet à Apple en autorisant des consommateurs à poursuivre le groupe californien pour sa gestion de sa plate-forme de téléchargements d’applications App Store. Le temple du droit américain a rendu cette décision, susceptible d’avoir des conséquences économiques importantes pour tous les géants des nouvelles technologies, à une courte majorité (cinq magistrats sur neuf).

La Cour suprême ne préjuge pas de l’issue du conflit juridique, mais elle fait peser une nouvelle menace sur la marque à la pomme, déjà confrontée à une chute de son produit phare, l’iPhone. A la mi-journée, le cours de l’action Apple était en baisse de 5 %, dans un marché en recul de 2,4 % par rapport à la clôture de vendredi.

En 2011, des propriétaires d’iPhone avaient déposé plainte contre Apple, se disant pénalisés par son monopole sur la vente des applications, uniquement accessibles via la boutique App Store. Or Apple prélève une commission de 30 % sur l’achat d’applications conçues par des développeurs indépendants, ce qui, selon eux, renchérit les prix de vente. Apple avait répondu qu’ils n’étaient pas habilités à agir, puisqu’ils ne sont pas ses « clients directs » dans ce dossier. Le groupe avait plaidé n’être qu’un intermédiaire.

Surcoût présumé

Ses arguments avaient convaincu un tribunal fédéral, qui avait écarté la plainte en première instance. Mais une cour d’appel est revenue sur cette décision en 2017, autorisant la procédure à suivre son cours. Apple avait alors demandé à la Cour suprême de faire valoir son point de vue. L’entreprise avait reçu le soutien des autres géants californiens – Amazon, Facebook et Google.

Mais les quatre juges progressistes et le magistrat Brett Kavanaugh, nommé par Donald Trump, ont rejeté les arguments d’Apple. « Les propriétaires d’iPhone paient le surcoût présumé à Apple. L’absence d’intermédiaire est évidente », écrivent-ils, en refusant de donner « un feu vert aux détaillants en position de monopole pour qu’ils en abusent ».

Leurs quatre collègues conservateurs ont jugé, dans une « opinion dissidente », que cette décision créait un précédent « facilement manipulable » et faisait courir le risque qu’Apple soit poursuivi à la fois par des consommateurs et par des développeurs.

De fait, le groupe américain est visé par une plainte déposée à Bruxelles par le suédois Spotify sur le même sujet. Le numéro un mondial du streaming musical l’accuse aussi d’abuser de sa position dominante, notamment via la commission de 30 %. Contacté par l’Agence France-Presse (AFP), Apple n’a pas immédiatement réagi.

Bourbier procédural

Le puissant lobby des entreprises numériques CCIA a fait part de sa « déception » et de son « inquiétude ». « Cette décision pourrait exposer les entreprises qui offrent des services de plates-formes numériques à des poursuites indésirables », a estimé son président Ed Black.

Le Center for Democracy and Technology, un groupe de défense des droits numériques, a au contraire salué une décision qui permet « d’entrer dans le fond du dossier et de sortir du bourbier procédural ». « C’est toujours bien d’en savoir plus sur l’impact concret des politiques concurrentielles des géants des technologies », a ajouté l’une de ses responsables, Avery Gardiner.

Face à un marché du smartphone saturé, Apple mise de plus en plus sur les services – dont l’App Store fait partie – comme relais de croissance pour l’avenir. Sur les trois premiers mois de l’année, les services (qui comptent aussi Apple Music, Apple Pay, etc.) ont engrangé 11,45 milliards de dollars de chiffre d’affaires, en hausse de 16 %. Le chiffre d’affaires total de la marque à la pomme était de 58 milliards de dollars.