L’aéroport londonien de Gatwick, le 21 décembre 2018. / Toby Melville / REUTERS

Le groupe de BTP Vinci a déboursé 3,2 milliards d’euros pour devenir propriétaire, mardi 14 mai, de l’aéroport londonien de Gatwick, le deuxième Britannique. Vinci en détient désormais 50,01 %, « sans limite de temps » a précisé, mardi depuis Londres, Nicolas Notebaert, directeur général de Vinci Concessions.

Avec cette acquisition, la filiale du groupe de BTP devient le second opérateur mondial d’aéroports avec 241,3 millions de passagers accueillis dans douze pays. « Gatwick est un formidable actif qui devient notre premier aéroport » avec 46 millions de passagers en 2018, s’est félicité M. Notebaert.

Vinci compte bien rentabiliser sans tarder ce lourd investissement. Notamment en faisant croître les recettes des commerces de l’aéroport londonien. « C’est l’un des domaines où l’on peut apporter le plus à Gatwick », a indiqué M. Notebaert. La plate-forme de la banlieue de Londres ne réalise « pas de recettes exceptionnelles », selon lui, car elle accueille surtout des compagnies à bas coûts dont les passagers dépensent peu dans ses magasins. Pour augmenter ses revenus, l’objectif de Vinci est de développer le nombre de compagnies aériennes qui opèrent sur le long-courrier, aux passagers plus dépensiers. A Gatwick, la dépense moyenne par passager est de 10 livres (environ 11,5 euros), contre le double en moyenne à l’aéroport concurrent d’Heathrow.

Augmenter les surfaces commerciales

Pour mieux remplir ses caisses, le groupe de BTP compte mettre en service une deuxième piste. Il faut dire que l’actuelle piste unique de Gatwick est « la plus active au monde » avec plus de 950 mouvements par jour, soit 55 décollages et atterrissages par heure. Avec l’ouverture de la piste nord, dès 2020, Gatwick pourrait augmenter son trafic avec 70 mouvements par heure. En outre, « l’objectif est que 100 % des passagers passent devant 100 % des commerces », a signalé M. Notebaert.

La filiale de Vinci compte investir « 1,1 milliard de livres sur cinq ans » pour réaliser des travaux d’infrastructures afin de mieux accueillir un plus grand nombre de passagers mais aussi d’augmenter les surfaces commerciales. Elle prévoit aussi « de renouveler les contrats [avec les concessionnaires des magasins] pour obtenir des marges un peu meilleures », a fait savoir M. Notebaert.

Des piques à la direction de Groupe ADP

Avec l’achat de l’aéroport londonien, Vinci concession semble se consoler des incertitudes sur la privatisation de plus en plus incertaine de Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris). Le groupe de BTP fait contre mauvaise fortune bon cœur. A défaut d’acquérir ADP « nous n’aurons pas trop de mal à nous développer dans cette activité. Il y a tout le temps des actifs mis sur le marché », a plaidé le directeur général. Vinci Concessions vise notamment « des sites privés détenus par des fonds d’investissements qui doivent se retirer ». Une des premières cibles de la filiale du groupe de BTP serait l’aéroport de Saint-Louis (Missouri).

Il n’empêche, Vinci Concessions ne voit pas ADP lui échapper de gaîté de cœur. « Si nous n’avons pas ADP nous continuerons. Ce serait surtout dommage pour la France », a ajouté M. Notebaert. Ce dernier veut encore croître que les privatisations d’aéroports sont en passe de devenir la norme sans retour en arrière possible. « Il n’y a pas de reflux dans le monde. Pas de renationalisation », a pointé le président exécutif. Au contraire, à l’en croire, « le secteur privé est capable de mieux valoriser » ces actifs après leur privatisation. Notamment par sa capacité « à amener des capitaux ».

M. Notebaert a profité de l’achat de Gatwick pour envoyer quelques piques à la direction de Groupe ADP. Il a notamment critiqué la politique de grands travaux déployée par son PDG, Augustin de Romanet. « Notre politique n’est pas de faire des milliards et des milliards d’euros de cathédrales en béton, mais d’attirer des passagers. Les compagnies viennent s’il y a une modération des tarifs. Il faut des investissements, mais des investissements peut-être plus qualitatifs, plus digitaux, bien dimensionnés, réalisés au bon moment, à coût raisonnable », a jugé le patron de Vinci Concessions. Groupe ADP s’apprête, en effet, à construire un nouveau terminal à Roissy pour 6 milliards d’euros. Pour M. Notebaert, ex-Aéroports de Paris devrait plutôt faire venir un plus grand nombre de compagnies aériennes. Pour preuve : « EasyJet n’a pas ouvert de lignes à Paris en 2018, mais elle en a ouvert quatorze à Nantes », géré jusqu’à présent par Vinci.

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