Des activistes pro-choix devant la Cour suprême américaine à Washington, le 18 janvier. / Jose Luis Magana / AP

Le nombre d’avortements pratiqués aux Etats-Unis n’a jamais été aussi bas et, dans le même temps, les offensives sur le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) n’ont jamais été aussi radicales. Le Sénat de l’Alabama qui vient de voter la quasi-interdiction de l’IVG est le dernier exemple en date d’une série de textes restrictifs adoptés ces derniers mois.

Selon les chiffres officiels les plus récents des Centers for disease control and prevention (la principale agence fédérale des Etats-Unis en matière de protection de la santé publique), le nombre d’avortements a chuté de 24 % entre 2006 et 2015, passant de 842 855 à 638 169 au niveau national. Cette baisse est de 26 % chez les femmes âgées de 15 à 44 ans, passant durant cette période de 15,9 pour 1 000 à 11,8 pour 1 000. La diminution est encore plus marquée chez les adolescentes de 15 à 19 ans : - 41 %. Selon le centre de recherches Guttmacher Institute, organisme reconnu sur le sujet, 19 % des grossesses en 2014 ont donné lieu à un avortement.

91 % des IVG à moins de 13 semaines

Par ailleurs, alors que les militants anti-avortement américains issus des milieux conservateurs chrétiens s’attachent régulièrement à dénoncer les avortements tardifs – des accusations reprises à son compte par le président Donald Trump –, 65 % des IVG interviennent à huit semaines ou moins de gestation et la quasi-totalité (91 %) à moins de 13 semaines. Seules 7,6 % sont effectuées entre 14 et 20 semaines, et une infime partie (1,3 %) après 21 semaines. La loi autorise les avortements jusqu’à 22 semaines (24 semaines d’aménorrhée), seuil de viabilité du fœtus admis en 1973 lors de la décision de la Cour suprême sur le sujet. De plus, le recours aux avortements au-delà de 13 semaines non seulement demeure bas, mais les délais ont même tendance à diminuer ; les IVG à moins de six semaines augmentent de 11 %.

Dans ce contexte, les six derniers mois ont vu une poussée des tentatives pour limiter l’accès à ce droit, indique le Guttmacher Institute. En premier lieu, plusieurs Etats, à divers degrés, ont adopté des textes interdisant l’avortement au-delà de six semaines, terme auquel un battement de cœur est perceptible : Kentucky, Mississippi (où il doit entrer en vigueur en juillet), Georgia, Missouri, Ohio, Tennessee. Les tentatives précédentes dans l’Iowa (2018) et le Dakota du Nord (2013) ont échoué. Le New York Times présente un tableau complet de ce paysage législatif mouvant selon les Etats. Dans l’Arkansas et dans l’Utah, une interdiction est en vigueur au-delà de 18 semaines d’aménorrhée.

Combat porté par une minorité

Au total, des législations restrictives sont examinées dans 28 Etats. Et 57 % des femmes en âge de procréer vivaient dans des Etats « hostiles ou très hostiles » aux droits à l’avortement en 2014 contre 31 % en 2000. Le nombre de cliniques pratiquant l’IVG a baissé de 6 % entre 2011 et 2014. En réponse à cette tendance, une dizaine d’Etats, notamment sur la côte Est des Etats-Unis, ont adopté des législations protégeant l’accès à l’avortement. L’Oregon (nord-ouest) est le seul à garantir ce droit, sans restriction, tout au long de la grossesse.

Le combat politique pour revenir sur l’accès à l’IVG, aussi récurrent soit-il aux Etats-Unis, est porté par une minorité, ainsi que le rappellent les différentes études citées par le Washington Post. Seuls 10 % de la population seraient pour une interdiction totale de l’avortement tandis que 19 % souhaiteraient le rendre illégal « dans la plupart des cas ». Deux tiers (entre 64 % et 66 %) des Américains ne veulent pas revenir sur ce droit garanti par la Constitution, tandis que 23 % à 28 % y sont favorables. Néanmoins, une majorité (56 %) serait d’accord pour baisser le terme actuellement autorisé de 24 semaines à 20 semaines d’aménorrhée. 10 % souhaiteraient même aller plus loin. Au total 66 % des Américains (dont 62 % des démocrates et 71 % des femmes) seraient donc d’accord pour réduire le délai durant lequel une IVG est possible. Ce qui finalement correspond à la réalité de l’immense majorité des avortements pratiqués dans le pays.

Où en est l'accès à l'avortement dans le monde ?
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