Editorial du « Monde ». Six mois de crise des « gilets jaunes » et de focalisation sur le pouvoir d’achat des Français ont presque fait passer au second plan l’un des principaux maux de notre pays : le chômage de masse. Quelle que soit la légitimité des revendications sur le pouvoir d’achat de certains, l’emploi reste la mère des batailles pour tous.

Plus d’emplois, c’est moins de déficits sociaux, plus de recettes publiques, donc de nouvelles marges de manœuvre pour réduire la fiscalité, bref un enrichissement collectif, qui mécaniquement se traduira par l’amélioration individuelle de la situation de chacun. Aussi, chaque recul du chômage, si modeste soit-il, doit être salué sans barguigner.

Malgré la crise sociale, le ralentissement de la croissance, la montée des incertitudes sur le plan international, le taux de chômage continue, lentement mais sûrement, de reculer. Sur les trois premiers mois de l’année, le nombre de demandeurs d’emploi est retombé à 8,7 % de la population active. A force de petits pas, la fameuse inversion de la courbe du chômage tant espérée par François Hollande commence à prendre forme. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le taux a reculé de 0,8 point, ce qui permet à la France de retrouver le niveau de chômage qu’elle avait avant que la crise de 2008 ne produise ses effets délétères.

Il y a plusieurs façons de regarder la trajectoire. Si l’on compare la situation de la France avec celle de ses voisins européens, il n’y a pas de quoi pavoiser. Seuls trois d’entre eux – la Grèce, l’Espagne et l’Italie – font pire, la plupart étant revenus à une situation de plein-emploi, même si celle-ci a pour corollaire une augmentation de la précarité et des emplois faiblement rémunérés. Résultat : le taux de chômage en France reste de deux points supérieur à la moyenne européenne.

Mais, à force de désespérer que l’herbe soit plus verte chez les voisins, on finit par passer à côté de l’essentiel : l’économie française, malgré ses faiblesses structurelles, fait preuve d’une résilience encourageante.

Des perspectives bien orientées

D’abord, cela tient de la tautologie, mais, pour faire reculer le chômage, il faut créer des emplois. Et, dans ce domaine, les chiffres sont bons. Sur les neuf derniers mois, l’économie française a créé 151 000 emplois, dont 64 000 depuis le début de l’année. Le ralentissement de l’augmentation de la population active permet d’obtenir une croissance plus riche en emplois. Il faut s’en féliciter.

Ensuite, les perspectives restent bien orientées. Les entreprises françaises prévoient 2,7 millions de recrutements cette année. Mieux, cette dynamique porteuse n’est pas forcément synonyme de précarité. Les intentions d’embauche en contrat à durée indéterminée sont en hausse de 24 %, et celles à durée déterminée de 8 %.

Enfin, les industriels, alors que le taux d’utilisation des capacités de production est élevé et que les difficultés de recrutement sont à leur plus haut niveau depuis 2001, font preuve d’optimisme en matière d’investissement, comme le montre la dernière enquête de l’Insee. Dans le même temps, l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers ne cesse de progresser.

Les handicaps de la France ne s’effaceront pas en quelques mois. Certaines réformes engagées comme celle de l’apprentissage et de la réforme professionnelle, qui répondent à ces faiblesses structurelles, ne produiront leurs effets qu’après plusieurs années. Mais les progrès réalisés ces derniers mois montrent qu’il n’y a aucune inéluctabilité à ce que la France tourne enfin le dos à sa préférence pour le chômage.