Emmanuel Macron débat avec les PDG des entreprises françaises Frichti, Flora Coleman (à sa droite), et Vinted, Thomas Plantenga, lors du salon VivaTech, jeudi 16 mai, à Paris. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

Emmanuel Macron a achevé, jeudi 16 mai, une « séquence » consacrée au numérique : comme en 2018 a été organisée une semaine d’événements variés sur le secteur technologique, ouverte vendredi 10 avec la réception de Mark Zuckerberg par le président de la République, poursuivie mercredi 15 avec le sommet Tech for Good à l’Elysée, et close jeudi avec la prise de parole du chef de l’Etat au salon VivaTech. Mais, par rapport à l’année précédente, l’exécutif a cherché à montrer qu’il accordait un peu plus de place aux entreprises françaises et européennes, et gardait un peu plus ses distances avec les géants américains comme Facebook ou Google.

La modération des contenus haineux a été au centre des interactions avec les géants américains

Signe d’un léger changement d’ambiance, les interactions avec les grandes entreprises du numérique américaines ont surtout eu lieu autour d’un thème qui leur vaut de nombreuses polémiques : les contenus haineux ou terroristes et leur modération. Vendredi a été remis le rapport de la mission menée par des régulateurs français chez Facebook, et mercredi a été lancé l’« appel de Christchurch », créé en réponse au récent attentat en Nouvelle-Zélande et signé par plusieurs pays mais aussi par Facebook, Google, Twitter ou Amazon…

La régulation des réseaux sociaux est un des thèmes que M. Macron a mis en avant pour les élections européennes. Et au dîner organisé mercredi soir à l’Elysée avec les différents acteurs de la semaine, un entrepreneur français a noté, dans la bouche des personnalités politiques présentes, un « durcissement du discours sur les grands acteurs de la tech ».

Au sommet Tech for Good, dans lequel des sociétés actives dans le numérique sont appelées à prendre des engagements de responsabilité sociale, l’Elysée a choisi d’accorder plus de place aux firmes françaises, après que certaines ont formulé des remarques. « Après l’édition 2018, nous avions souligné que la recherche du Tech for Good ne pouvait se résumer à un face-à-face entre les autorités et les géants de la tech. Il existe tout un écosystème français de start-up qui crée des centaines d’emplois, qui résout des défis environnementaux et qui produit des champions internationaux », explique Nicolas Brien, directeur général de France Digitale, grande association de jeunes pousses. « On a 4 licornes en France, et les Etats-Unis 169 : il faut viser haut », a exhorté, à son arrivée à Tech for Good, Frédéric Mazzella, le fondateur de Blablacar, l’une des ces entreprises valorisées plus d’un milliard de dollars (895 millions d’euros).

« Une troisième voie » française

En 2018, des grands groupes français comme Orange, BNP Paribas ou Sanofi avaient regretté de ne pas être suffisamment mis en avant lors de Tech for Good, alors qu’on déroulait le tapis rouge aux sociétés américaines, invitées à diriger les ateliers thématiques. A l’image d’Uber, controversée pour la gestion de ses chauffeurs, mais choisie pour animer le débat sur l’avenir du travail.

En 2019, chaque groupe de travail a été coprésidé par une entreprise française, aux côtés de son homologue international : IBM et BNP Paribas pour l’éducation, L’Oréal et Booking.com pour la diversité, Uber et Orange pour le travail, Samsung et La Poste pour l’inclusion, Hewlett-Packard Enterprise et Engie pour l’environnement. Par ailleurs, l’Elysée note avoir, cette année, inclus 50 % de sociétés françaises parmi les participants, ce qui n’était pas le cas en 2018. Le nombre d’invités a, au passage, crû de 48 à 84.

L’écosystème tech français est bien parti pour atteindre un nouveau seuil de 5 milliards d’euros de levées fonds

Jeudi 16 mai, à VivaTech, le salon international des entreprises du numérique organisé à Paris, Emmanuel Macron a aussi joué la carte locale, en se mettant en scène face à des start-up françaises (Frichti et OpenClassrooms) et européennes (TransferWise, UiPath, Vinted). Dans un jeu de questions-réponses avec les cinq entrepreneurs, et face à un auditoire de 5 000 personnes, le chef de l’Etat a vanté le dynamisme de l’écosystème tech tricolore, bien parti pour atteindre un nouveau seuil de 5 milliards d’euros de levées de fonds en 2019 contre 3,5 milliards un an plus tôt.

M. Macron a aussi réservé quelques piques aux modèles de la Chine, « stato-centré », et des Etats-Unis, « piloté par des grands acteurs privés ». Il a plaidé pour « une troisième voie » européenne : « L’Europe peut devenir un leader mondial », a-t-il lancé, exhortant un public favorable à « ne pas avoir un discours défensif mais conquérant ».

L’Elysée « très satisfait »

En préambule à cette intervention, une table ronde a réuni les dirigeants des entreprises ayant présidé les ateliers de Tech for Good, modérée par Maurice Lévy, le président du conseil de surveillance de Publicis, co-organisateur du sommet et de VivaTech (avec Les Echos). De son côté, l’Elysée se déclare « très satisfait » du bilan des engagements pris en 2018 : IBM a créé 1 000 des 1 800 emplois promis d’ici 2020, Google a distribué 3 millions d’euros à des associations dédiées à l’emploi en France…

Cette année, de nouveaux engagements ont été pris à Tech for Good : 44 entreprises ont ainsi fait le vœu de placer 30 % de femmes à des postes de management ou de direction d’ici à 2022. Quatorze autres – Uber, Orange, RATP, Deliveroo, Google… – ont mis en place un référentiel commun identifiant et valorisant les compétences non techniques (accueil, travail en équipe, etc.) des salariés afin de faciliter leur mobilité professionnelle. Un chauffeur Uber pourrait ainsi espérer trouver un emploi dans le métro parisien, explique-t-on.

Au-delà des tensions entre acteurs tricolores et géants américains, certains ont noté la mise en avant, cette année, de plusieurs dirigeants de sociétés chinoises, dont Jack Ma, le médiatique patron d’Alibaba, présent à Tech for Good et gratifié d’un tête-à-tête avec M. Macron. « Les plates-formes chinoises ne doivent pas être vues uniquement comme des barbares qui nous envahissent, ils portent des opportunités. Nous ne sommes pas naïfs mais pas manichéens », a commenté le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, ex-conseiller du président de la République.

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