Des automobiles sont garées sur le parking de l’Auto Warehousing Company située près du port de Richmond, en Californie, 24 mai 2018. / JUSTIN SULLIVAN / AFP

Pour le plus grand soulagement du monde de l’automobile, Donald Trump a annoncé, vendredi 17 mai, qu’il accordait jusqu’à six mois de répit, notamment à l’Union européenne et au Japon, avant de décider de relever – ou pas – les droits de douane sur les véhicules et les pièces détachées à hauteur de 25 % au lieu des 2,5 % actuels. « Le représentant américain au commerce (…) doit poursuivre les négociations » et devra « dans un délai de cent quatre-vingts jours » informer le président américain des résultats de ces discussions, détaille un communiqué de la Maison Blanche.

Les dirigeants de l’Union européenne (UE) s’attendaient à cette décision. Aucun signal d’alarme ne leur était parvenu de Washington ces dernières semaines, et ils avaient constaté que le président Trump était trop pris par son épreuve de force avec Pékin pour s’occuper d’eux. Par ailleurs, les 28 Etats membres estiment avoir fait le maximum pour éviter l’ire du président américain en validant enfin, mi-avril, le mandat de négociation d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis.

Entrer en pourparlers avec Washington faisait partie de l’accord négocié en juillet 2018 par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, et M. Trump, pour convaincre ce dernier de faire une pause dans l’imposition de taxes sur les produits européens.

Ce délai est loin de tout résoudre. Les valeurs du secteur automobile font d’ailleurs le yoyo. Il y a des raisons à cette nervosité, en particulier du côté des industriels du Vieux Continent. La première est le poids que constitue ce secteur, et singulièrement l’automobile européenne, dans la mondialisation. A en croire l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’ensemble des produits automobiles représentait 1 450 milliards de dollars (1 295 milliards d’euros) exportés en 2017 : c’est le deuxième plus gros poste du commerce mondial après les combustibles. Or les exportations automobiles européennes (738 milliards de dollars) représentent la moitié de cette masse, loin devant le Japon (150 milliards) et les Etats-Unis (145 milliards).

Duel avec la Chine

Si l’on se contente de compter les voitures vendues (donc en excluant les pièces), l’UE a dégagé en 2018 un excédent de 32 milliards de dollars dans ses échanges avec les Etats-Unis et de 22 milliards avec la Chine. L’Allemagne, à elle seule, génère un surplus de 24 milliards de dollars vis-à-vis de Washington.

Une situation qui ne sied guère à M. Trump. Et qu’il connaît, tous ces chiffres se retrouvant dans le rapport que le secrétaire au commerce, Wilbur Ross, lui a officiellement remis le 17 février. Le président des Etats-Unis a choisi de surseoir à toute décision de taxation supplémentaire afin, semble-t-il, de mieux se concentrer sur son duel commercial avec la Chine. Mais ce dernier pays est lui aussi crucial pour l’automobile. « Les industriels du monde entier, constructeurs comme équipementiers, sont en Chine, l’incontournable premier marché automobile de la planète, explique Flavien Neuvy, économiste du secteur. Ils y ont installé des capacités de production considérables. »

Or, les menaces brandies par M. Trump depuis un an ont contribué à ralentir l’économie chinoise et, partant, la consommation de voitures. Les ventes en Chine baissent depuis juillet 2018, ce qui fragilise ceux qui y ont investi. Par ailleurs, les constructeurs allemands haut de gamme, qui exportent des Etats-Unis vers l’empire du Milieu, pourraient être piégés. En particulier BMW, qui fait fabriquer ses gros 4×4 de la série X en Caroline du Sud pour le monde entier.

Quant aux équipementiers, eux aussi jouent gros. « Enormément de pièces sont fabriquées en Chine puis exportées, y compris aux Etats-Unis, rappelle Laurent Petizon, directeur général du cabinet de conseil AlixPartners. Il y a une imbrication industrielle très forte dans l’automobile. Du coup, le problème n’est pas seulement financier. Ce que redoute aussi l’industrie, ce sont des blocages ou même de simples ralentissements aux frontières. »

Pour l’heure, on en reste aux menaces. Aucune décision formelle n’a été prise et il n’y a pas que les Chinois, les Japonais ou les Européens qui redoutent la hausse des droits de douane. Aux Etats-Unis, de nombreuses voix s’élèvent pour souligner les risques que ferait courir une guerre commerciale à l’économie nationale, et pas seulement à cause des mesures de rétorsion qui toucheraient les produits made in USA. Un centre de recherche américain a relevé qu’en raison de cette globalisation industrielle, le prix des voitures aux Etats-Unis, y compris celles fabriquées localement, augmenterait de 1 000 à 7 000 dollars en cas de taxation à 25 %.

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