Henok Nigatu, un étudiant éthiopien à l’université de Limerick (Irlande), dans « Les Enfants d’Erasmus, l’Europe pour tous ? » / OISIN MCHUGH TRUE MEDIA / ARTE.TV

LA LISTE DE LA MATINALE

Pas si simple de capter l’attention des citoyens et de les mobiliser sur ce scrutin mal-aimé, souvent délaissé, que sont les élections européennes (le 26 mai en France). Le service public a pourtant mis les bouchées doubles : pas moins de 24 heures de reportages à travers l’Union européenne (UE) sur Arte, une semaine entière consacrée à l’Europe des artistes par Augustin Trapenard dans « Boomerang », et un passionnant documentaire sur la génération Erasmus, peut-être le plus petit dénominateur commun entre les citoyens de l’UE.

Qui sont les jeunes du Vieux Continent ?

Dominika, l’un des personnages de « 24 heures Europe », de Britt Beyer et Vassili Silovic, sur Arte.tv / ARTE.TV

Après « 24 heures à Jérusalem » et « 24 heures à Berlin », Arte voit encore plus grand en filmant, selon le même principe, le quotidien de dizaines de jeunes adultes, de 6 heures du matin à 6 heures le lendemain. Le tournage s’est effectué du 15 au 16 juin 2018, dans vingt-huit pays, depuis un village irlandais à l’Ouest, jusqu’au pont de Magnitogorsk, en Russie, qui marque la frontière Est de l’Europe avec l’Asie. Résultat, vingt-quatre épisodes d’une heure, ponctués de rencontres, de témoignages, mais aussi de graphiques pédagogiques bienvenus.

D’une leçon de piano en Tchéquie à une réunion de militants indépendantistes catalans. Du service des urgences de l’hôpital universitaire de Bucarest au muezzin de Sarajevo. D’une balade en compagnie d’un jeune agriculteur irlandais à la patrouille nocturne d’une policière bruxelloise. Ce n’est donc pas l’Europe vue du ciel, mais l’Europe vue du cœur de sa jeunesse.

Un conseil ? Plutôt que d’engloutir tel un binge watcher de séries ces vingt-quatre heures à la suite, mieux vaut picorer un épisode de temps en temps. Sinon le flux de témoignages, de changements de décor et de problématiques, résultat d’un montage parfois un peu trop nerveux, risque de vous faire perdre le fil et d’amoindrir l’empathie que l’on peut ressentir pour ces jeunes adultes souvent attachants. Alain Constant

« 24 heures Europe », de Britt Beyer et Vassili Silovic (Belgique/Allemagne/France, 2019, 24 x 60 min). En replay sur Arte.tv jusqu’au 4 mai 2020.

Erasmus, l’antidote européen au repli sur soi

« Les Enfants d’Erasmus, l’Europe pour tous ? », réalisé par Angeliki Aristomenopoulos et Andreas Apostolidis. / SEPPIA / ANEMON / UNDERGROUND / AGITPROP / ARTE.TV

Ils façonnent l’Europe. Ils sont étudiants, apprentis, bénévoles ou enseignants. Depuis 1987, neuf millions de jeunes hommes et femmes ont quitté le confort de leur nid pour tenter l’ailleurs, avec Erasmus. Et plus d’un million de bébés européens sont nés des rencontres du programme d’échange. Tout ceci n’a pourtant pas empêché la montée de l’euroscepticisme.

Les Enfants d’Erasmus, l’Europe pour tous ?, documentaire proposé par Arte remonte le fil de plus de trente années d’existence de la plus belle machine à produire de l’intégration, à travers les aventures humaines d’une poignée de ses acteurs sur le continent.

L’Europe des années 1980 n’a rien à voir avec celle que connaissent les primo-votants des élections de mai 2019. Aujourd’hui, le Pacte de Varsovie est un lointain souvenir, les postes-frontières ont disparu de Lisbonne à Helsinki, la monnaie est unique et la libre circulation des personnes assurée. Ces enfants Erasmus sont mobiles, urbains, pluriculturels, polyglottes. Ils sont des citoyens agiles qui déambulent sans mal dans la mondialisation.

Mais il reste les autres, ceux que le programme n’a pas embrassés. Et la liberté de circulation, qu’Erasmus symbolise si bien, n’est plus un acquis. « Les jeunes voyagent de pays en pays sans contrôle aux frontières, et en même temps ils votent pour des partis populistes, constate Adam, 45 ans, professeur d’histoire à Bielsko-Biala, en Pologne, cela m’horrifie. » Eric Nunès

« Les Enfants d’Erasmus, l’Europe pour tous ? », réalisé par Angeliki Aristomenopoulos et Andreas Apostolidis (France-Royaume-Uni-Irlande, 2019, 70 min). Arte.tv/fr/videos/088474-000-A/les-enfants-d-erasmus/

« Boomerang » : l’Europe vue par ses artistes

Belle idée qu’a eue Augustin Trapenard d’aller voir et écouter, chez eux, de grands artistes européens (tous francophones) alors que France Inter s’est mise à l’heure du scrutin.

Première escale : Rome, avec l’écrivain Erri de Luca, qui se désole de voir comment la Méditerrannée est devenue une « mer de naufrages », et pour ses réfugiés, « le pire voyage de l’humanité ». Avec la douce voix de Lidia Jorge, par un jour d’avril ensoleillé, nous voici à Lisbonne, porte de l’Europe vers l’Afrique, l’Inde, les Amériques. Explorant la mémoire intime et collective de son pays, l’auteure du Rivage des murmures parle de son amour pour Marguerite Yourcenar en particulier et de la littérature en général, qui « accompagne », « élève », et « pose les questions fondamentales ».

Javier Cercas parle, depuis Empuries (Espagne) de la nécessité d’une Europe plurielle et évoque, sur fond de crise économique, la montée des extrémismes. Avec Vassilis Alexakis, nous sommes à Athènes, où il parle de son amour pour la langue française, dans laquelle il écrit aussi. A Berlin, le metteur en scène Thomas Ostermeier convoque ses fantômes. Et évoque « l’échec de la gauche » à s’occuper des moins favorisés – thème qu’il a interrogé dernièrement en adaptant Retour à Reims, de Didier Eribon. Emilie Grangeray

« Boomerang », présenté par Augustin Trapenard (5 x 30 min), disponible sur iTunes et FranceInter.fr.