L’Inde est-elle vraiment la plus grande démocratie du monde ?
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L’Inde vote dimanche 19 mai pour le dernier jour de ses gigantesques élections législatives, marquées par une campagne acrimonieuse à l’issue de laquelle les nationalistes hindous de Narendra Modi espèrent être reconduits au pouvoir pour cinq ans.

La démocratie la plus peuplée au monde compte 900 millions d’électeurs pour 1,3 million d’habitants. En raison des dimensions géographiques et démographiques hors norme de l’Inde, les régions votent à tour de rôle depuis le 11 avril pour élire un total de 543 députés. L’élection s’est déroulée en sept étapes, entre les villages en haute altitude du Ladakh, la poussiéreuse plaine du Gange et les mégapoles polluées de New Delhi et Calcuta.

La participation s’est établie à 66 % aux précédentes phases du scrutin, un niveau habituel pour ces élections, temps fort de la vie de la troisième économie d’Asie.

Dernière étape à Calcutta

Près de 120 millions d’électeurs sont appelés aux urnes dimanche pour la septième et dernière phase de ce plus grand scrutin de l’Histoire. Il s’agit de désigner 59 députés dans le nord et l’est du pays notamment, en particulier dans la circonscription du premier ministre Modi.

Calcutta et la ville sacrée de Varanasi sont les principaux points d’attention de cette dernière journée de vote. Dans la matinée, aucune violence majeure n’a été signalée à Calcutta, où partisans de Modi et de l’opposition se sont affrontés dans des combats de rue cette semaine. La police locale avait procédé à plus d’une centaine d’interpellations. En ce jour de vote, les forces de sécurité sont déployées en nombre dans la capitale du Bengale-Occidental (est) pour éviter de nouveaux heurts.

Narendra Modi à l’épreuve des urnes

Le premier ministre brigue un deuxième mandat de cinq ans. Natif du Gujarat, à l’ouest du pays, et vendeur de thé dans son enfance, le chef de gouvernement bénéficie d’une grande popularité due à ses origines modestes et à l’image d’homme fort qu’il cultive. Agé de 68 ans, M. Modi est aussi personnellement à l’épreuve des urnes dimanche. Sa circonscription de Varanasi (Bénarès, nord), ville sacrée de l’hindouisme située sur le bord du Gange, vote à l’occasion de cette septième phase.

Sa formation, le Bharatiya Janata Party (BJP), a axé sa campagne sur la personne de Narendra Modi et la sécurité nationale, se présentant en rempart au Pakistan, plutôt que sur le développement de l’économie, programme qui l’avait propulsé au pouvoir en 2014, avec la majorité absolue. Les analystes doutent toutefois qu’il parvienne à réitérer cet exploit. Il pourrait devoir former une coalition pour se maintenir à son poste, ce qui constituerait un retour à la norme pour la politique indienne.

Une campagne jugée très agressive

Narendra Modi a en face de lui une myriade de puissants partis régionaux décidés à le faire chuter, ainsi que l’historique Parti du Congrès emmené Rahul Gandhi, l’héritier de la lignée Gandhi. Pour se faire remarquer des médias, certains candidats n’ont pas hésité à se mettre en danger, au sens propre, en commettant des tentatives de suicide. Quant à MM. Modi et Gandhi, les deux favoris, ils ont écumé l’Inde à un rythme effréné, échangeant des insultes à distance presque quotidiennement. Le nationaliste hindou a tenu au total 142 rassemblements au cours de la campagne, parfois même jusqu’à cinq par jour.

« Le combat de boue sans fin et les déclarations vitupératrices ont imprégné la campagne », estime Asit Banerjee, professeur d’histoire de Calcutta, qui estime que « le niveau de la politique indienne a gravement baissé ». Au lieu de défendre son bilan, Modi « a joué sur nos insécurités et fait vibrer nos peurs intérieures profondes », estime dimanche le commentateur politique Karan Thapar dans le quotidien Hindustan Times. « Son but était de nous rappeler la vulnérabilité de l’Inde. Il a donc attisé la peur, au point de créer la paranoïa », sans parler de sujets pressants comme la crise rurale ou le chômage, juge l’éditorialiste, égratignant aussi la campagne de Rahul Gandhi pour son manque de souffle.

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