Après un week-end marqué par la présentation hors compétition du nouveau film de Claude Lelouch, Les Plus Belles Années d’une vie, avec une salle très émue par la présence d’Anouk Aimée et de Jean-Louis Trintignant, et par la Palme d’or d’honneur remise par sa fille Anouchka à un Alain Delon en larmes, le festival reprend son rythme de croisière.

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En compétition en ce lundi 20 mai : Frankie, d’Ira Sachs, et Le Jeune Ahmed, de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Grand habitué du Festival de Sundance, dont il a remporté le grand prix du jury en 2005, Ira Sachs, 53 ans, est le doyen de la cohorte de nouveaux venus qui font leurs débuts dans la course à la Palme d’or, en cette 72e édition. Sudiste – il a grandi à Memphis, Tennessee –, il passait ses vacances d’hiver à Park City, dans l’Utah, où son père s’était installé dans un mobile home. Le garçon détestait le ski, ce n’était pas grave, ces séjours montagnards coïncidaient avec Sundance, et Ira Sachs passait son temps dans les salles plutôt que sur les cimes.

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Frankie met en scène la réunion, à Sintra, au Portugal, d’une famille composite (on y reconnaîtra Brendan Gleeson, Jérémie Renier, Marisa Tomei, Pascal Greggory) autour d’une actrice célèbre et fragile, qui a les traits d’Isabelle Huppert.

« Cannes, c’est le mythe »

On pourrait imaginer les Dardenne blasés de cette nouvelle sélection, eux qui semblent avoir un abonnement illimité à la Croisette. Depuis La Promesse, présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 1996, ils ont reçu pour chacun de leurs films une invitation pour la montée des marches avec une pluie de récompenses à la clé, deux Palmes d’or (Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005), des prix d’interprétation, de scénario, six en tout, un record.

A 65 et 68 ans, ils auraient pu arrêter de jouer le jeu, concourir dans d’autres festivals, se lasser avant de lasser, mais les voilà comme deux gosses émus et joyeux à la fois devant une glace géante aux saveurs multicolores. « Le cinéma, c’est l’image, et Cannes, c’est le mythe », explique Luc avec une brillance réjouie dans les yeux. « On aurait été très tristes que le film ne soit pas sélectionné », ajoute Jean-Pierre. Le personnage de leur nouveau film est un préadolescent aspiré et emmuré dans le fanatisme religieux, incarné par un acteur débutant, Idir Ben Addi.

Autre temps fort de ce lundi, la présentation d’Une fille facile, de Rebecca Zlotowski, son quatrième long-métrage, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs. Et la fille facile, c’est Zahia Dehar, cette ancienne call-girl qui défraya la chronique avec Karim Benzema et Franck Ribéry avant de poser en Marianne sur les photos de Pierre et Gilles. Au sein du collectif « 50/50 pour 2020 », Rebecca Zlotowski est l’une des porte-parole du féminisme dans le cinéma français sans pour autant aimer ses habits d’activiste.

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