Moïse Katumbi à Goma, en République démocratique du Congo, en mars 2014. / Kenny-Katombe Butunka / REUTERS

Le retour de l’opposant Moïse Katumbi, annoncé lundi 20 mai à Lubumbashi, marque le coup d’envoi d’une semaine politique intense en République démocratique du Congo, avec la nomination attendue d’un premier ministre de consensus entre l’actuel président Félix Tshisekedi et son prédécesseur, le « président honoraire » Joseph Kabila.

Allié puis adversaire de l’ancien président Kabila, Moïse Katumbi est attendu dans la capitale du Katanga trois ans jour pour jour après son départ, en pleine tourmente judiciaire. « Aujourd’hui déjà en Afrique… et demain, de retour sur ma terre natale, auprès de mon peuple, avec les miens », a déclaré sur Twitter Moïse Katumbi, qui pourrait rejoindre Lubumbashi depuis l’Afrique du Sud en jet privé.

Aucune autorité n’a indiqué qu’il pourrait être empêché d’arriver. Début août 2018, sous le régime Kabila, l’opposant avait tenté en vain de rentrer au Congo par voie terrestre pour déposer sa candidature à l’élection présidentielle. L’ancien gouverneur du Katanga, riche homme d’affaires et président du club de football TP Mazembe, avait été qualifié de « Judas » par M. Kabila. Son retour au pays, après l’annulation d’une condamnation à trois ans de prison, marque un signe de détente, quatre mois après l’investiture du nouveau président Félix Tshisekedi.

Le « retour de Jésus »

« Je suis dans l’opposition », a précisé M. Katumbi, qui a soutenu l’autre opposant Martin Fayulu à l’élection présidentielle du 30 décembre 2018. Leur plate-forme électorale, Ensemble pour le changement, doit devenir un parti politique, avec une inconnue de taille : le rôle de l’un et l’autre.

A Lubumbashi, ses partisans ont sillonné dès dimanche les artères de la ville à bord d’un camion bondé, sous une importante présence policière. « Le retour de Moïse est comparable au retour de Jésus pour les chrétiens. Il vient mettre un terme aux souffrances imposées par Kabila », a osé l’un de ses partisans, Robot Muteba. Des dizaines de députés ont effectué le déplacement de Lubumbashi. « Rappelez-vous que nous étions venus ici lorsqu’il subissait la persécution de l’ancien régime [de Kabila] », a déclaré à l’AFP l’opposant Franck Diongo, lui-même fraîchement gracié par le nouveau président Tshisekedi.

Hasard du calendrier, le retour de M. Katumbi correspond avec la visite lundi à Kinshasa du ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. « Je ne crois pas au hasard », glisse un conseiller du président Tshisekedi. La France est l’un des pays européens les plus impliqués dans le dossier de la stabilisation de la RDC, le plus grand pays d’Afrique subsaharienne. C’est Paris qui prend l’initiative des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur la RDC. M. Le Drian doit rencontrer le président Tshisekedi dans la matinée et doit visiter l’Institut national de recherche biomédicale (INRB), en pointe dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola dans l’est du pays.

Un premier ministre bientôt nommé

Samedi, devant les ambassadeurs de l’Union européenne et du Canada, M. Tshisekedi a annoncé qu’il connaissait le nom de son premier ministre, et que sa nomination interviendrait dans la semaine. Le candidat doit pouvoir travailler à la fois avec M. Tshisekedi, proclamé vainqueur de l’élection du 30 décembre, et M. Kabila, dont le Front commun pour le Congo (FCC) a gardé tous les autres leviers du pouvoir. Les deux hommes sont liés par une « alliance » ou une « coalition ». Les partisans de M. Kabila devraient conserver la majorité des postes au gouvernement, avec des négociations sensibles sur les ministères stratégiques comme les mines.

A la veille de cette semaine peut-être la plus importante depuis les élections, Kinshasa s’est emballée l’espace d’un après-midi au son d’une étrange information : l’arrestation de l’ancien porte-parole du régime Kabila, Lambert Mende, finalement très vite relâché. Interrogé par la presse congolaise, M. Mende affirme avoir été brutalisé et accuse le ministre intérimaire de l’intérieur Basile Olongo de vouloir lui « faire la peau » pour une « affaire de diamants ».