Grosse fatigue au centre financier britannique. La grande conférence annuelle City Week, qui s’est tenue lundi et mardi 20 et 21 mai à Londres, s’est déroulée dans une lourde atmosphère d’exaspération face à un processus du Brexit qui n’en finit pas. Bien sûr, il fallait bien parler de cette sortie de l’Union européenne, incontournable épée de Damoclès, « mais quelqu’un peut-il encore en dire quelque chose d’original ? », soupire Anthony Belchambers, président de Saxo Capital Markets, qui dirigeait les débats. « En préparant cet événement, on pensait qu’on serait déjà hors de l’Union européenne… », a renchéri quelques minutes plus tard Mark Hoban, un ancien député conservateur devenu lobbyiste pour le centre financier.

Le débat autour du Brexit tourne en rond depuis presque trois ans, quand les Britanniques ont voté pour sortir de l’UE en juin 2016. A la City, les différentes étapes du « deuil » ont été franchies les unes après les autres : choc, déni, colère… Mais la plupart des grands établissements sont maintenant prêts depuis longtemps : les licences bancaires européennes nécessaires ont été demandées, quelques milliers de postes ont été transférés, des bureaux ont été ouverts en Europe continentale. Et désormais, voilà que le Royaume-Uni est entré dans cette étrange période, où plus rien ne se passe, et où chacun attend que les députés se mettent enfin d’accord ou que la première ministre britannique Theresa May démissionne.

Aveu d’impuissance

Face à l’exaspération généralisée, John Glen, le secrétaire d’Etat à la City, a décidé de jouer profil bas et de présenter ses excuses, un geste inhabituel venant d’un élu. « Sur le Brexit, nous n’en sommes pas où je le souhaiterais. Je sais que la City voudrait, et franchement, mériterait, d’avoir de la certitude sur ce processus. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous apporter ça aujourd’hui. (…) Je sais que c’est un processus lent et frustrant mais nous sommes une démocratie. » Il faut donc laisser le parlement trouver une issue de lui-même.

Face à cet aveu d’impuissance, les ténors de la finance britannique sont obligés de ressasser des platitudes sur leurs « relais de croissance » que constitueraient la « finance verte », les « fintechs » et la collaboration grandissante avec l’Inde et la Chine. L’agacement n’est jamais loin, pourtant. « Les défis à travers le monde sont énormes mais nous sommes distraits par le Brexit, qui nous prend notre temps et notre énergie, explique Bernard Mensah, de Bank of America Merrill Lynch. Il est urgent de s’en occuper. »

Les seuls à se réjouir du pourrissement actuel sont Malte et Chypre, deux centres financiers de l’Union européenne qui sont les seuls à avoir des stands sur place. « On attire plein de clients étrangers, qui étaient basés à Londres jusqu’à présent et qui choisissent de venir chez nous », se réjouit un membre de la délégation chypriote. Sauf surprise majeure, le Brexit n’aura pas lieu avant le 31 octobre. Les financiers londoniens vont trouver le temps long.

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