François Hollande à l’Elysée, attendant le président Guinéen, Alpha Condé, le 29 septembre 2014. / Jean-Claude Coutausse pour M Le magazine du Monde

Une personnalité politique qui commente sa propre image, c’est rare. Surtout en présence des photographes qui l’ont suivi ; quand il s’agit, de surcroît, d’un ancien président de la République. François Hollande en a conscience : « Les articles passent, les images, elles, demeurent : elles font l’Histoire », lance-t-il, avant de se souvenir, amusé, de la première photo de lui en tant que président. « Je remontais les Champs-Élysées en voiture ; la pluie s’est transformée en averse, l’averse en grêle. »

La rencontre s’est tenue au Forum des images, à Paris, le 20 mai, dans une ambiance bon enfant. Elle faisait même parfois penser aux retrouvailles de collègues de travail que la vie a séparés.

Aux côtés de François Hollande, on comptait cinq photojournalistes : Sébastien Calvet, Marc Chaumeil, Raymond Depardon (l’auteur de son portrait officiel), Jean-Claude Coutausse et Laurence Geai (tous deux collaborateurs réguliers du Monde). Tous ont suivi, pendant plusieurs mois ou plusieurs années, les déplacements du président du conseil général de Corrèze et maire de Tulle, devenant ensuite premier secrétaire du Parti socialiste, candidat d’une primaire puis candidat à l’élection présidentielle et, enfin, président de la République.

« L’incarnation présidentielle, c’est la désincarnation humaine »

Alors que les photographes décryptent les caprices de la photographie politique – raconter l’histoire qui se déroule devant eux en cherchant le bon angle, sans oublier de ménager le service d’ordre –, François Hollande décrit cette « liberté » qui s’amenuise au gré de la chronologie. Celle, qui, en campagne, lui avait permis de sauter d’une estrade à la fin d’un meeting à Tulle, le 22 avril 2012, alors que les membres de son équipe criaient : « François, non ! »

Une fois le rôle de président endossé, regarder le ciel ou le sol, c’est prendre le risque que ces gestes soient sauvagement interprétés et abîment la fonction présidentielle. Comme toutes ces fois, où pour tromper l’ennui en attendant un chef d’Etat sur le perron de l’Elysée, son regard s’était égaré. « Dès que je faisais le moindre geste, j’entendais les appareils. Claclaclac. Il fallait maîtriser mes attitudes. Ça donne cette raideur souvent reprochée aux présidents », décrit-il.

Cette fonction présidentielle, il l’évoque avec une distance ironique. « L’incarnation présidentielle, c’est la désincarnation humaine », professe-t-il. Cette fonction, il finit même par en parler à la troisième personne : « Le président, et pas François Hollande, doit rester imperturbable. »

De leurs côtés, les photographes aussi, manifestent leurs doutes quand il s’agit de chroniquer l’exercice du pouvoir : faut-il tout montrer ? Cette photo d’une chute lors d’un voyage à Haïti ? Cette image « intime » où le président s’était assoupi quelques minutes dans la voiture ?

D’autres posent moins question, comme celles décrivant l’intimité de l’Élysée, publiées après la fin du quinquennat. François Hollande défend d’ailleurs ces images qui montrent « un lieu que les Français ne connaissent pas ». Comme son appartement personnel, vidé quelques jours avant l’investiture de son successeur.

Celui-là même, il évite de le mentionner. Jusqu’à ce que soit évoqué, au gré d’un rapide commentaire des anciens portraits officiels, un tableau de Louis XIV… Alors, François Hollande s’amuse, une dernière fois : « Pour celui-là, je ne me prononce pas, vous le reconnaîtrez. »