Manifestation contre la loi travail à Paris, le 15 septembre 2016. / THOMAS SAMSON / AFP

Un CRS a été renvoyé lundi aux assises pour y répondre d’un « lancer injustifié » d’une grenade de désencerclement, dont l’explosion a causé la perte d’un œil d’un manifestant lors d’un rassemblement contre la loi travail en septembre 2016, a appris mardi 21 mai l’Agence France-Presse de sources concordantes.

Ce policier de 50 ans doit être jugé pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente » sur Laurent Theron, un militant syndical SUD de 48 ans « définitivement aveugle de l’œil droit », selon l’ordonnance des juges d’instruction consultée par l’AFP. L’avocat du CRS a annoncé vouloir faire appel de cette décision.

« Hors de tout cadre légal »

Les faits se sont produits le 15 septembre 2016, peu avant 17 heures, alors que les forces de l’ordre dispersaient les gens sur la place de la République, à Paris, au terme d’une manifestation marquée par de violents heurts avec la police, ciblée notamment par des cocktails Molotov.

Le brigadier-chef, qui avait été mis en examen en janvier 2017, est accusé d’avoir lancé à ce moment-là une grenade de désencerclement (GMD) « hors de tout cadre légal et réglementaire », concluent les juges.

Le policier et sa compagnie n’étaient alors « ni assaillis, ni encerclés, ni même réellement pris à partie », ce qui exclut la justification de la légitime défense ou de la sauvegarde de son intégrité physique ou de celle d’autrui. Le policier se voit aussi reprocher d’avoir « agi de sa propre initiative, sans recevoir d’ordre », contrairement à la doctrine d’emploi des GMD, écrivent les juges. Enfin, le policier n’était pas habilité pour cette arme puissante qu’il aurait, selon l’hypothèse privilégiée par l’enquête, lancée en cloche et non au ras du sol comme exigé.

La grenade « a atteint la victime par accident »

« Cette décision le marque beaucoup ; s’il a fait une erreur, il n’a pas l’impression néanmoins d’avoir commis un crime », a réagi l’avocat du policier, Me Laurent-Franck Liénard. « Il est persuadé d’avoir lancé une grenade pour se protéger, lui et ses collègues. Elle a atteint la victime par accident », a ajouté l’avocat, qui entend « contester l’appréciation juridique » des faits.

Les juges n’ont pas suivi le réquisitoire du parquet de Paris, qui demandait un renvoi devant le tribunal correctionnel, contestant l’existence d’une infirmité permanente « en l’état des certificats médicaux au dossier et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». « Le parquet a tenté de gommer cette infirmité pour éviter les assises, sans l’accord de la partie civile, probablement vu le contexte de contestations de ce matériel dangereux », s’est étonné Me Julien Pignon, l’avocat de Laurent Théron.