Accueillir le débat, que ce soit sur son site, dans les colonnes du journal ou lors d’événements publics, est une des missions du Monde. Encourager une discussion constructive, nuancée, respectueuse, en est une autre. Afin de mieux concilier ces deux engagements, nous avons décidé de modifier les règles et le fonctionnement des commentaires sur Le Monde. fr, à compter du mercredi 22 mai.

Créées en 2005, réservées aux abonnés, les réactions aux articles avaient pour objectif d’ouvrir, en complément du traditionnel courrier des lecteurs, une forme d’interpellation de la rédaction plus courte et plus immédiate. Cette immédiateté a été d’emblée conçue comme encadrée et maîtrisée, puisque ces réactions sont modérées avant publication, à l’origine par une équipe interne, aujourd’hui par un prestataire externe.

En termes de participation, leur mise en place a été un succès. En 2018, près de 900 000 commentaires ont été publiés sur notre site, presque 3 000 par jour. Et sur nos quelque 180 000 abonnés numériques, plus de 20 000 ont posté au moins une réaction en 2018, et environ la moitié les consulte, ce qui en fait un des services les plus utilisés par nos abonnés.

Nouveaux enjeux, nouveaux outils

Cependant, au fil des années, la tonalité de ces réactions, et du débat qu’elles sont censées porter, s’est dégradée. De nombreux abonnés, souvent rejoints par la rédaction, s’en sont plaints, à juste titre. Dans cet espace, Le Monde n’a pas échappé aux maux de l’époque : expressions éruptives, visions du monde inconciliables, campagnes d’influence.

Un constat corroboré par l’augmentation tendancielle de la part des réactions non publiées par nos modérateurs. Le « taux de rejet » a pu atteindre 14 %, 15 %, voire 18 %, ces derniers mois, même si la moyenne, début 2019, est de « seulement » 12 %. Insultes, propos racistes, diffamation, voire appels à la violence : selon les chiffres fournis par notre prestataire, Netino, 42 % des réactions écartées relèvent d’une de ces catégories qui, rappelons-le, peuvent constituer des délits au regard de la loi.

Le Monde n’est pas le seul média à avoir rencontré ces difficultés. Ces dernières années, en France comme à l’étranger, la plupart des grands sites ont revisité leurs espaces de commentaires. Certains les ont fermés, d’autres ont tenté de les améliorer, en renforçant leurs chartes et leurs capacités de modération.

Le Monde a choisi cette seconde option, désireux de ne pas priver ses abonnés de ce service, et de poursuivre ses efforts pour contribuer à l’existence d’espaces en ligne où le débat public puisse se tenir. A cette fin, un groupe de travail a rédigé une nouvelle charte des réactions, que chacun peut consulter, et que tout contributeur doit désormais approuver.

Ce texte énonce plus clairement les principes auxquels nous tenons et explique les nouvelles règles de fonctionnement : incitation à proposer des réactions plus étoffées, modération étendue, mise en place d’un nombre limité de « réactions aux réactions », suppression de la possibilité d’associer des signatures multiples à un même compte abonné.

Nous avons également exploré les moyens de renforcer notre modération et de la rendre plus claire pour les contributeurs. A cette fin, nous avons noué un partenariat avec Jigsaw, un incubateur d’Alphabet/Google, dont les collaborations, avec notamment le New York Times dans le cadre du projet « Perspective », nous ont paru probantes.

Ce partenariat nous aidera à mieux détecter les commentaires susceptibles de poser problème et à affiner progressivement nos règles. Il permettra aussi à chaque contributeur de se voir indiquer si le commentaire qu’il est en train de rédiger risque d’être rejeté par les modérateurs de Netino.

Ce travail, que Jigsaw mène dans d’autres langues que le français avec d’autres médias, comme El Pais en Espagne, nous a amenés à améliorer le parcours à travers lequel un abonné poste une réaction. Celui-ci était clairement perfectible : 27 % des réactions non publiées ne sont en fait que des doublons. Cela est probablement lié à l’absence, après avoir envoyé une réaction, d’un message indiquant qu’un délai est nécessaire à son examen par les modérateurs.

Nous continuerons d’apporter des améliorations au cours des prochains mois et tiendrons compte des retours de nos abonnés – nous avons d’ores et déjà présenté ce nouveau parcours à certains d’entre eux, qui l’ont apprécié, et recueilli leurs remarques. A présent, poursuivons le dialogue.