Nul ne peut utiliser le patrimoine en toute impunité. Des Indiens Kuna du Panama ont accusé, mardi 21 mai, le géant Nike d’avoir « copié » illégalement des dessins traditionnels sur un modèle de baskets. Selon les avocats de la communauté, le design des ces chaussures de sport – une édition limitée du modèle Air Force 1 – s’inspire des « molas », un art du textile richement coloré, traditionnel du peuple Kuna.

Ces derniers, qui ont accusé le géant américain de violation de la propriété intellectuelle, ont réclamé que la vente de ces baskets, qui devaient être mises sur le marché le 6 juin au prix de 100 dollars la paire, soit suspendue. Ils ont obtenu gain de cause.

« Nous nous excusons pour la représentation inexacte de l’origine de la conception du Nike Air Force 1 “Puerto Rico” 2019. En conséquence, ce produit ne sera pas disponible » à la vente, a réagi un porte-parole de l’entreprise interrogé par l’Agence France-Presse (AFP).

Selon le site spécialisé Sneaker News, Nike avait indiqué que le dessin – coloré sur fond noir – était un hommage à Porto Rico et représentait la grenouille Coqui, emblématique de l’île caribéenne, également territoire américain.

Une « identité culturelle »

Les responsables de l’entreprise « doivent reconnaître que le mola qui apparaît sur les baskets vient du peuple Kuna », avait estimé lors d’une conférence de presse à Panama City, le cacique Belisario Lopez. Selon lui, cette affaire n’est pas un cas isolé. « Des milliers de dessins et de savoir-faire traditionnels des peuples autochtones sont piratés par les multinationales. » « Nous avons déjà envoyé une lettre de protestation à Nike, mais nous n’avons pas reçu de réponse », avait précisé l’avocat Aresio Valiente.

Les Indiens Kuna vivent au Panama et en Colombie, la majorité sur les îles San Blas, sur la côte caribéenne du Panama. « Pour les Kuna, le mola est comme un drapeau. Il y a une réelle identité culturelle qui s’exprime autour du mola. C’est un élément fort de l’identité », a expliqué à l’AFP Monica Martinez, professeur d’anthropologie sociale à l’université de Barcelone qui étudie le peuple Kuna depuis une vingtaine d’années.

« Il y a des débats au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et les peuples autochtones exigent que des mesures soient prises. Mais rien n’est fait », déplore-t-elle.