C’est dans une bâtisse de briques et de pierres bleues, témoin de la glorieuse épopée industrielle de Denain, que près de 1 500 Nordistes se sont réunis ce mardi 21 mai au soir pour écouter Ian Brossat marteler son programme de justice sociale, justice fiscale, et fraternité. Dans l’ancienne salle des fêtes d’Usinor, le candidat aux élections européennes du Parti communiste français (PCF) s’est adressé aux ouvriers, cheminots, retraités, « gilets jaunes » ou personnels des hôpitaux, pour partager sa conviction profonde : « On est capable de créer la surprise le 26 mai. Il faut utiliser les cinq jours qu’il nous reste pour mobiliser à plein dans les villages, les cités, les quartiers et se rendre aux urnes comme on se rend à une manif ou à un rond-point pour porter nos revendications. » Pour l’adjoint au logement à la ville de Paris, l’heure est venue de « sanctionner les politiques d’Emmanuel Macron et les politiques libérales en Europe et de se doter de députés européens, avec l’objectif de reconstruire la gauche ».

Le candidat de 39 ans y croit d’autant plus que sa liste, créditée de 4 % des suffrages, ne cesse de grimper dans les sondages. De là à franchir la barre fatidique des 5 % ? Chez lui, dans le Valenciennois, le député et secrétaire national du PCF Fabien Roussel a fait les comptes et veut que cela se sache : « On est à 4 % ; et à moins de 5 %, il n’y aura pas d’élus ». Dans son viseur, la France insoumise (LFI), dont il ne citera jamais le nom. « Si cette liste de gauche passe de 9 % à 10 %, ça ne leur fera qu’un député de plus alors que nous, de 4 % à 5 %, ce sera 5 députés pour le prix d’un… ! Le 26 mai, eux seront verts de rage et nous, nous serons rouges de bonheur ! »

Le bulletin rouge du PCF comme vote utile ? Le nouveau slogan de Fabien Roussel « PCF is back » ne suffira pas pour gagner des voix. Pour convaincre, dans cette ancienne terre des mineurs et de la sidérurgie, où le taux de chômage oscille entre 25 et 35 %, on joue la carte de la proximité en s’adressant aux militants en patois local à l’image de cette vidéo diffusée sur écran géant : on y voit Eric Bocquet, sénateur connu pour son combat contre l’évasion fiscale, s’exprimer en ch’ti au pays de Cafougnette. Gros succès à l’applaudimètre.

LRM et le PS rhabillés

Voter pour des élus de terrain, c’est l’un des credo du PCF. Et l’accent du Nord de la N° 2 de la liste, ne trompe pas. Marie-Hélène Bourlard, 61 ans, ouvrière textile pendant 43 ans à Poix-du-Nord (département du Nord) et figure du documentaire Merci Patron !, prévient : « Dimanche, mes camarades, votez ! Continuez à convaincre jusqu’à dimanche matin. Et à la fin, c’est nous qu’on va gagner ! » Cette militante lutte pour un SMIC européen à 1 400 euros nets, « pas comme celui de Madame Loiseau mais pour que les gens puissent vivre dignement », et pour « moins de délocalisations et moins de dumping social ».

Autre régional de l’étape, le candidat Nacim Bardi, ouvrier métallurgiste à Saint-Saulve et représentant syndicaliste chez Ascoval, rêve lui d’une Europe de justice sociale : « Malheureusement, les partis de gauche au pouvoir nous ont tous déçus avec la loi El Khomri, la déchéance de la nationalité, etc. » Le Parti socialiste est rhabillé pour l’hiver.

Face aux électeurs tentés par les Insoumis, Ian Brossat se pose en candidat capable de reconstruire la gauche. Derrière son pupitre siglé « Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent », il sait que la colère est grande. « Colère des retraités, de millions de jeunes qui subissent le chômage ou la réforme de parcours sup, dans les hôpitaux… Une colère noire, rouge, qui s’exprime en jaune à nos ronds-points. Emmanuel Macron devrait être le président de tous les Français et pas le président d’une petite minorité qu’il n’a cessé de se gaver depuis qu’il est à l’Elysée », lance-t-il depuis sa tribune.

« Macron veut se faire passer pour Flipper le dauphin ! »

A Denain, terre ouvrière, populaire, et solidaire, il sait « qu’ici, plus qu’ailleurs, on a besoin de changer le cours de ces politiques d’austérité qui nous pourrissent la vie. »

Sobrement, mais déterminé, il dénonce les politiques libérales européennes. « Emmanuel Macron se découvre une ambition sociale ce matin dans la presse quotidienne régionale. A défaut de nous avoir protégés en France, il nous dit « je veux vous protéger à l’échelle de l’Europe ». J’ai l’impression que c’est le requin des Dents de la mer qui veut se faire passer pour Flipper le dauphin, ironise-t-il. Tout ça n’est pas crédible ! »

Jean-Claude Juncker et les recommandations de la Commission européenne rédigées en juin en prennent aussi pour leur grade : « Le président de la Commission européenne dit je ne veux pas que les Français aient une augmentation du SMIC en France, lui qui est payé 32 000 euros par mois… » Ian Brossat milite pour l’élection de députés qui ne soient pas « des disciples des lobbys et des multinationales ». L’agrégé de lettres modernes, à l’aise face à son auditoire, dénonce à deux reprises ces « mille milliards d’euros qui partent en fumée chaque année car l’Union européenne est une passoire fiscale ».

Le public finit debout, le poing levé, prêt à entamer l’Internationale. A quinze kilomètres de là, le premier ministre Edouard Philippe est en meeting devant moins de 300 personnes dans une salle de Valenciennes. « La force populaire est de notre côté », lance un militant communiste. Co-fondateur avec Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche en 2008, Marc Dolez, le visage grave, est convaincu que « dans un contexte de grande confusion politique et de montée des populismes, il est urgent de reconstruire une gauche digne de ce nom ». Devant les drapeaux rouges qui s’agitent, l’ancien député nordiste ajoute : « Que la gauche est belle lorsqu’elle incarne le sens, les valeurs et le souffle indispensable du collectif. »