Pour la première fois dans l’histoire de la Semaine de la critique, section parallèle cannoise qui sélectionne des premiers et seconds longs-métrages, c’est un film d’animation qui a obtenu la plus haute récompense lors de cette 58e édition : J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin, a reçu le Grand Prix Nespresso, mercredi 22 mai – il sera également en compétition au festival du film d’animation d’Annecy (du 10 au 15 juin).

Deux récits parallèles structurent ce premier « long » au trait délicat : l’un fantastique, est l’histoire d’une main coupée qui s’échappe et part à la recherche de son corps, au prix de mille aventures et obstacles ; l’autre, bien réel, met en scène un jeune homme qui, ayant perdu très tôt ses parents mélomanes, essaie de se construire dans la précarité, et d’échapper à la vie formatée qui l’attend. Très belle, cette partie réaliste, alternant souvenirs du paradis perdu de l’enfance et présent incertain, pourrait tenir lieu à elle seule de film. L’articulation avec le récit fantastique n’est pas toujours probante, outre le fait que les multiples pièges qui guettent « la main » finissent par devenir répétitifs. Enfin, la bande-son, un brin solennelle, guide un peu trop l’expérience du spectateur. Il n’en reste pas moins que l’œuvre est très inventive et son auteur à suivre. Le film sortira en salles le 6 novembre.

« Vivarium », le film le plus réussi de la sélection

Le prix Louis Roederer de la révélation, qui récompense un comédien ou une comédienne, a été attribué à Ingvar E. Sigurosson, personnage principal de White, White Day, second long-métrage de l’Islandais Hlynur Palmason – remarqué pour son précédent film, Winter Brothers (2017). Dans ce drame psychologique qui tend vers le thriller, un peu long et au scénario écartelé entre plusieurs histoires, Ingvar E. Sigurosson incarne, brillamment, un policier anéanti par la mort de sa femme dans un accident de voiture. Découvrant que celle-ci a eu un amant, il mène une enquête qui le torture et le mène dans des territoires sombres. Sa relation avec ses proches, tout particulièrement avec sa petite-fille adorée, s’en trouve bouleversée.

Vivarium, de l’Irlandais Lorcan Finnegan, selon nous le film le plus réussi de la sélection, a reçu le prix Fondation Gan à la diffusion. Dans ce récit fantastique, un jeune couple à la recherche d’une maison se retrouve piégé dans un lotissement. Le réalisateur et le scénariste Garret Shanley, partant de la réalité de leur pays, avec ses difficultés de logement, l’uniformisation des modes de vie, ont imaginé un univers surréaliste et étouffant, où confort moderne ne rime pas avec joie de vivre.

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Le prix SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) est allé à Nuestras Madres (Our Mothers), film de Cesar Diaz à la double nationalité belge et guatémaltèque. Sur le sujet, amplement traité, des hommes disparus durant les périodes de dictature en Amérique latine, le cinéaste réussit à nous émouvoir en se focalisant sur la relation entre une mère et son fils, employé dans un institut médico-légal au Guatemala et qui travaille à l’identification des disparus. Sur un plan formel, le film reste classique, sans grande audace. C’est l’impression générale que laisse cette 58e édition, si l’on s’en tient aux sept longs-métrages en compétition.

Teaser du film J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin
Durée : 01:01