La France a été condamnée jeudi 23 mai par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour une enquête « lacunaire et déficiente », menée à la suite d’un coup de feu tiré par un policier lors d’une interpellation.

Les faits se sont produits le 8 mars 2000 à Thionville, en Moselle. Deux policiers étaient intervenus pour une supposée tentative de cambriolage dans un immeuble. Arrivés sur les lieux, ils avaient procédé à l’arrestation de deux hommes, dont M. Fouhed Chebab, âgé de 24 ans à l’époque, touché à la gorge lors de l’interpellation, l’un des policiers ayant fait usage de son arme.

L’enquête sur les circonstances de ce coup de feu avait conclu à un acte de légitime défense, le policier affirmant que M. Chebab l’avait menacé avec un couteau, ce que niait ce dernier. M. Chebab avait été jugé pour « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique avec usage d’une arme », mais le tribunal correctionnel de Metz avait conclu à la nullité de la procédure en raison d’irrégularités commises lors de sa garde à vue, décision confirmée en appel.

En 2002, M. Chebab avait déposé plainte pour tentative de meurtre contre le policier auteur du tir. En 2010, cependant, la justice avait rendu un non-lieu, les juges retenant la thèse de la légitime défense invoquée par le policier. Le pourvoi en cassation de la victime contre cette décision avait été rejeté.

Procédures « ni rapides ni effectives »

Dans sa décision rendue jeudi, la CEDH conclut à l’unanimité à la violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, portant sur le droit à la vie, en raison d’une enquête insuffisamment « rapide et effective ». « L’enquête menée à la suite du coup de feu tiré par un policier lors d’une interpellation a été lacunaire et déficiente », considère la cour.

Toutefois, la France n’est pas condamnée à cause de l’usage de son arme par le policier : le tir, bien que « regrettable », n’était pas excessif « face à un individu agressif », notent les juges dans leur arrêt. En revanche, sur un plan purement procédural, ils ont estimé que « l’enquête sur les faits reprochés au requérant [avait] souffert de nombreuses lacunes [et] irrégularités ». « L’instruction en elle-même a été longue, puisqu’elle s’est déroulée sur près de huit années », et « les procédures d’enquête concernant [les conditions de l’interpellation] n’ont été ni rapides ni effectives », épingle encore la Cour, qui a alloué 20 000 euros à M. Chebab pour dommage moral.